Intervention de Béatrice Damian-Gaillard

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde de chercheurs et de juristes sur la production de contenus pornographiques

Béatrice Damian-Gaillard, professeure à l'Université Rennes 1, chercheuse à Arènes (laboratoire CNRS) :

Merci pour ces remarques et ces questions.

J'interviendrai sur votre question portant sur le droit et l'éducation. Dans notre approche, nous n'opposons pas ces notions. L'éducation à la sexualité, c'est aussi l'éducation au droit et aux règles du jeu juridique. Il s'agit de rappeler, comme nous le faisons parfois quotidiennement avec nos étudiants, que certaines situations peuvent être hors la loi. Lorsque nous dispensons des conférences ou interventions, la dimension juridique est bien présente. Je ne suis pas spécialiste du droit. Toutefois, d'un point de vue sociologique, il est aussi là pour donner des droits à toutes et à tous et donc pour prendre en compte et entendre les situations de chacun pour les protéger. Où se situe la morale ? La morale de qui ? De quel système de croyances ? S'il existe des luttes de cadrage, nous ne voyons pas d'oppositions entre le droit et l'éducation dans nos approches. Nous pourrions aborder ces questions par les sciences sociales.

Enfin, j'apporterai un élément sur les changements de nature en évoquant l'ouvrage Ces livres qu'on ne lit que d'une main de notre collègue Jean-Marie Goulemot. Il est le premier à avoir pensé l'énonciation pornographique. Il s'est intéressé aux livres lus par les lettrés et les classes dominantes, les bourgeois et aristocrates des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle. Ces livres étaient qualifiés d'érotiques. Vous le savez, la pornographie, c'est aussi l'érotisme des autres, celui qu'on ne comprend pas.

Jean-Marie Goulemot a montré comment se sont construits des scripts culturels d'énonciation pornographique dans notre société occidentale et la différence avec les sociétés asiatiques. Il a évoqué la place du regard, de la religion judéo-chrétienne. Dans la mise en scène, on retrouve encore aujourd'hui, même dans les formes les plus contemporaines de productions pornographiques filmées, des principes narratifs déjà présents dans ces ouvrages qu'on ne qualifiait pas de pornographie et qui étaient lus par des hommes.

Il ne faut pas penser uniquement les changements de mise en forme et de discours. Nous voyons des continuités des principes narratifs, mais aussi des changements formels. Ceux-ci sont accompagnés de changements de pratiques des publics. Ces derniers ne lisent pas les contenus de la même manière. Celui qui est né dans une société dans laquelle les plateformes sont utilisées dès le départ n'aura pas du tout les mêmes usages que ses parents et grands-parents, ni la même lecture. Il est socialisé à certaines formes de compréhension.

À mes yeux, l'évolution de ces formes de pornographie ne doit pas être dissociée des modes de lecture des publics.

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