Je reviendrai d'abord sur l'évolution historique évoquée par Laurence Rossignol. On pourrait presque rejeter le terme de pornographie pour la littérature et la peinture. Ce sont des représentations liées à l'imaginaire des auteurs, ne nécessitant pas un véritable acte sexuel réellement effectué. À mon sens, la véritable pornographie commence avec la photographie et le cinéma. D'ailleurs, le lien avec la prostitution était à l'époque assez flagrant. Les premiers films pornographiques étaient en général diffusés dans les bordels pour exciter les clients. Ils étaient joués par des prostituées. Nous étions là dans une totale confusion entre prostitution et pornographie, dans un acte sexuel non simulé. Je ne me suis intéressé qu'à cette partie de la pornographie. J'aurais du mal à qualifier autrement que de « culturel » ou « artistique » ce qui est de l'ordre de la littérature et du dessin. Tout un genre pornographique rencontre néanmoins aujourd'hui un franc succès : les hentaïs, des dessins animés pornographiques avec des scènes très violentes, qui n'impliquent pas d'acteurs réels, mais simplement l'imagination des artistes.
Vous m'interrogiez sur la solution que je proposerais. Dans mon étude sur les cadres de la prostitution, j'avais pris le cas de la pornographie comme particulièrement emblématique du non-droit existant aujourd'hui en France, en précisant qu'il existe d'autres cas de ce genre. Une forme de proxénétisme est institutionnalisée en France. Citons les salons de massage prostitutionnels, parfaitement connus et repérés par la brigade de répression du proxénétisme, les sites Internet favorisant l'exercice de la prostitution en en tirant des profits ou les revues telles que La Vie parisienne, qui diffusait largement des annonces de prostituées. Ce proxénétisme permis et toléré existe en France depuis très longtemps. J'ai rencontré les responsables de la Brigade de répression du proxénétisme qui me l'ont confirmé. Nous sommes ici confrontés à un problème. Une forme de proxénétisme est autorisée dans l'industrie pornographique ou dans les salons de massage. Dans le même temps, on dit que c'est interdit. Quelle est la solution ? Je ne peux répondre qu'en tant que citoyen. En tant que chercheur, j'ai essayé de pointer le problème et ce qui m'apparaît comme un état de non-droit, une rupture du principe de valeur constitutionnelle qu'est l'égalité devant le droit. Des comportements similaires peuvent d'un côté prospérer, avec un certain nombre d'entreprises enregistrées au registre du commerce, tandis que d'autres sont punis de peines de prison.
En tant que citoyen, je ne me référerai pas au principe d'égalité mais au principe de liberté. Je serais favorable à une réglementation de l'activité prostitutionnelle.