Intervention de Julie Leonhard

Délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes — Réunion du 3 février 2022 : 1ère réunion
Table ronde de chercheurs et de juristes sur la production de contenus pornographiques

Julie Leonhard, docteur HDR en droit privé et sciences criminelles, maître de conférences à l'Université de Lorraine :

Je rejoins totalement les propos sur l'utilisation de l'éducation, que je n'ai pas pensée comme étant alternative, mais comme étant complémentaire. Alfred Sauvy disait que « Bien informés, les hommes sont des citoyens ; mal informés ils deviennent des sujets ». Je cherche à en faire des citoyens et pas des sujets. Sur la sexualité, nous devrions nous interroger sur l'éducation et comment la mettre en place. Elle ne doit absolument pas être alternative au droit.

Ensuite, je suis très mal à l'aise quand on parle d'inégalité devant la loi en mélangeant proxénétisme et prostitution d'une part, et pornographie d'autre part. J'entends cet avis d'un point de vue social, mais cette inégalité n'existe pas juridiquement. Les textes relatifs au proxénétisme ne renvoient pour l'heure qu'à la prostitution. Je rejoins donc Mme Rossignol : si nous voulons changer les choses, nous devons changer les textes pour qu'ils renvoient à la pornographie. Si nous ne le faisons pas, il est normal que des personnes liées au proxénétisme prostitutionnel soient en prison et que ce qu'on voudrait appeler, en dehors du monde juridique, « du proxénétisme propre à la pornographie », ne renvoie pas derrière les barreaux. Les juges ne peuvent faire davantage que ce qui leur est demandé. Ils sont la bouche du législateur et non sa plume. Aujourd'hui, le texte relie le proxénétisme à la prostitution, pas à la pornographie. Dans ce contexte, le terme d'inégalité devant la loi me met mal à la l'aise. Je peux l'entendre quand on vient poser le débat, mais si nous voulons en parler dans ces termes, il faut changer les textes.

Madame Rossignol, vous nous interrogiez sur l'appréhension du littéraire, de l'audiovisuel et du virtuel. Les décisions sous l'ancien code pénal ne visaient que des écrits, parce que le virtuel n'existait pas encore et que l'audiovisuel n'était pas déployé comme il l'est aujourd'hui. Des doctorants travaillent aujourd'hui sur la pornographie dans le droit privé en général, qu'il soit pénal, administratif, du travail ou civil. Ils ont démontré que le littéraire ne représentait qu'une part infime des décisions de justice, leur nombre étant parfois nul sur une année.

En revanche, ma position sur le virtuel est peut-être un peu différente. Le critère de la simulation me dérange un peu, au regard des textes relatifs à la pédopornographie. L'article 227-23 du code pénal renvoie à l'image ou à la représentation, dans une volonté de les sanctionner lorsqu'elles mettent en jeu de vrais mineurs mais aussi de faux mineurs purement imaginés. Des décisions de justice ont encore récemment condamné des mangas ou hentaïs allant trop loin. Lorsqu'un juge considère qu'une image virtuelle de mineur doit être qualifiée de pornographique, il condamne, alors même qu'aucun vrai mineur n'y figure. La volonté n'est pas de protéger uniquement les mineurs mais aussi leur représentation fictive.

Enfin, sur le porno éthique, je rejoins les propos de M. Vörös.

L'idée d'une réglementation de la pornographie est un tout petit peu existante grâce à la classification des oeuvres de diffusion. Réglementer la pornographie pourrait être une solution pour minimiser ce qui peut arriver.

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