Intervention de Julien Denormandie

Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Accès des experts forestiers aux données cadastrales — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Julien Denormandie :

Monsieur le président, madame la rapporteure Anne-Catherine Loisier, mesdames, messieurs les sénateurs, avec plus de 17 millions d’hectares en métropole et 8, 7 millions d’hectares en outre-mer, la forêt française constitue un atout stratégique pour la France.

En tant qu’ingénieur agronome et forestier, j’ai de la forêt une vision très claire. Tout d’abord, nous devons préserver ce qui fait sa richesse plurielle.

Notre forêt exerce en effet une triple fonction : une fonction environnementale, en raison de sa grande capacité de stockage du carbone et de ses atouts indéniables pour préserver la biodiversité ; une fonction de ressource naturelle, au service, par exemple, de la construction et de l’utilisation de ce si beau matériau qu’est le bois – vous le savez mieux que quiconque, il constitue, grâce à ses propriétés, un matériau de choix dans le cadre de la lutte contre le changement climatique ; enfin, une fonction sociétale très importante pour l’ensemble de nos concitoyens.

Aucune de ces trois fonctions ne doit être oubliée. C’est bien cette richesse plurielle qui a sculpté nos forêts et guidé nos politiques forestières comme celle de la filière bois.

Dans chaque territoire, l’importance de chacune de ces trois composantes peut varier, mais nos outils de gestion doivent nous permettre de faire vivre cet équilibre et de nous adapter à la réalité de chacune de nos forêts.

La gestion durable des forêts sur ces trois volets est à ce titre essentielle. Le code forestier dont nous allons discuter définit ainsi des conditions rigoureuses de reconnaissance et d’exercice de l’ensemble de ces activités.

Cultiver notre forêt suppose d’exercer une bonne gestion en menant, par exemple, des actions de renouvellement. Notre forêt n’est pas une forêt sous cloche. C’est ce travail important de protection et de culture qu’exercent au quotidien les exploitants forestiers, avec passion et l’envie de transmettre un patrimoine de qualité aux générations futures.

Pour relever ce défi d’une gestion multifactorielle, l’État se mobilise et investit massivement en faveur de la filière forêt-bois. Ainsi, dans le cadre du plan France Relance, nous avons consacré plus de 150 millions d’euros à l’enjeu du renouvellement forestier, afin de remplacer des peuplements qui, parfois, dépérissent du fait du changement climatique.

À ce jour, plus de 90 millions d’euros sont d’ores et déjà engagés pour des projets concrets en forêts domaniales, communales ou privées.

Si ces résultats sont satisfaisants, je compte sur la mobilisation de toutes et tous pour maintenir la dynamique. En effet, le Président de la République a annoncé, il y a quelques mois, dans le cadre de la présentation du grand projet France 2030 que plus de 600 millions d’euros supplémentaires seront déployés dans les prochaines années au bénéfice de nos massifs forestiers et de notre filière bois.

Cet effort – au total 800 millions d’euros d’investissement d’ores et déjà engagés ou en cours d’engagement – est tout à fait considérable et nous pouvons dire que jamais, nous n’avons autant investi pour nos forêts.

Il nous faut maintenant renforcer le dialogue entre tous les acteurs et créer une véritable dynamique pour « faire filière ». C’est ainsi que nous pourrons avancer ensemble dans la gestion des enjeux et répondre aux questions opérationnelles, en dépassant les conclusions des multiples rapports qui ont été produits sur la forêt.

Créer les conditions d’un dialogue constructif et d’une véritable dynamique au sein de la filière-bois, tel est l’objectif qui a été au cœur de notre action, durant ces derniers mois.

À titre d’exemple, je citerai l’accord de filière à destination du chêne, que nous avons signé ce matin avec l’ensemble des parties prenantes, dans une situation ô combien compliquée – vous le savez – du fait des exportations de plus en plus massives de nos chênes vers d’autres pays, notamment en Asie.

Cet accord de filière est, en tous points, exemplaire, tant il témoigne de la mobilisation de l’ensemble de la filière, d’amont en aval, pour relever un défi, qui est d’ailleurs à la fois environnemental et de souveraineté.

Un autre exemple est la belle dynamique que nous avons lancée – vous y avez participé – au travers des Assises de la forêt et du bois. Nous les pilotons avec mes collègues Bérangère Abba, Agnès Pannier-Runacher et Emmanuelle Wargon.

Outre la qualité des contributions et des discussions auxquelles elles ont donné lieu, ces assises ont permis, en associant les territoires à la réflexion, de nourrir une vision partagée des actions concrètes à mettre en œuvre pour faire avancer la filière forêt-bois, aujourd’hui et demain.

À quelques semaines ou quelques jours de la clôture de cet exercice, permettez-moi, à titre personnel, de remercier très spécifiquement Mme la rapporteure, pour son engagement. Je sais toute la passion et toute l’énergie qu’elle consacre à ces assises et, en tant que président d’une de leurs thématiques, je veux souligner à quel point elle joue un rôle déterminant dans la réussite des travaux.

Encore aujourd’hui, madame la rapporteure, vous montrez votre engagement et votre volonté d’agir pour nos forêts, puisque l’une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés est le morcellement de la forêt française.

Au regard du rôle que jouent – et que doivent jouer demain, plus encore – devant ces enjeux les experts forestiers, les organisations de producteurs et les gestionnaires forestiers professionnels, la présente proposition de loi est capitale.

Elle doit permettre à ces acteurs de mener efficacement leurs actions d’information à destination des propriétaires forestiers privés et contribuer ainsi à la gestion durable forestière. Elle prévoit de donner un accès illimité aux données utiles du cadastre numérique à ces acteurs reconnus d’intérêt général.

La loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et son décret d’application, pris en 2016 après avis favorable de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL), ont permis d’expérimenter cet accès pendant trois ans. L’évaluation de cette expérimentation devait être validée par la loi et le fait que ce texte y contribue est extrêmement positif.

La matrice cadastrale est en effet le seul instrument grâce auquel il est possible d’identifier les propriétaires de parcelles forestières. Or la forêt française est extrêmement morcelée : on compte plus de 3, 5 millions de propriétaires forestiers et leur nombre peut être élevé sur une surface très réduite.

Le dispositif expérimental a permis d’engager des actions dans des zones forestières non gérées depuis des décennies, en identifiant, informant puis mobilisant des propriétaires au service de la gestion durable de nos forêts, alors que parfois nous ne les connaissions pas et qu’eux-mêmes n’étaient pas nécessairement informés du fait qu’ils étaient propriétaires de parcelles forestières.

La pérennisation de l’accès tel qu’expérimenté a donc tout son sens pour le Gouvernement. C’est pourquoi je vous propose d’adopter la présente proposition de loi, en réitérant mes remerciements spécifiques à Mme la rapporteure, qui s’est beaucoup impliquée, une fois encore, sur ce sujet.

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