Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me félicite de voir inscrite à notre ordre du jour cette proposition de loi, qui vise à pérenniser une habilitation votée dans la loi du 13 octobre 2014 d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt. Introduite sous le quinquennat précédent, celle-ci permettait aux experts forestiers d’accéder aux données cadastrales afin de mener à bien leur mission.
Aujourd’hui, nous avons l’opportunité de solidifier dans notre droit cette expérimentation qui, depuis lors, a été unanimement reconnue comme positive, tandis qu’en parallèle, les experts forestiers en ont demandé la prolongation.
Leur demande est légitime, car ils participent à la protection et à la mise en valeur des bois et des forêts ainsi qu’au reboisement, dans le cadre d’une gestion durable de nos forêts.
En effet, ils doivent faire face à un fort morcellement de la forêt privée française, qui se caractérise par un nombre très important de propriétaires, trop souvent peu, voire mal identifiés. Notre pays, doté de la quatrième surface forestière d’Europe, compte ainsi près de 4 millions de propriétaires qui se partagent 76 % de la surface forestière privée.
Ce morcellement est un frein à la mobilisation de la matière première en France, dans un contexte où la demande est tendue, ainsi qu’au bon entretien de nos forêts. Il rend de fait plus compliqué l’exercice de leur mission par les experts forestiers, qui doivent avoir accès à certaines données pour la mener à bien.
Je salue donc le choix de Mme la rapporteure et du Gouvernement de s’en tenir à la rédaction de 2014, c’est-à-dire d’ouvrir aux experts forestiers, sans limitation du nombre de demandes, l’accès aux données cadastrales des propriétés forestières, dans le périmètre géographique dans lequel ils sont habilités à exercer leur mission d’information.
De fait, les garde-fous qui avaient été mis en place ont été conservés. Le rôle du maire est ainsi préservé, ce dernier devant être notifié lorsqu’une demande a lieu dans sa commune. Quant aux données, elles ne peuvent par la suite être cédées à des tiers. En nous en tenant à la rédaction initiale, nous restons conformes à l’avis rendu par la CNIL à l’occasion du vote du projet de loi d’avenir pour l’agriculture.
Ce texte, en prévoyant l’intervention des experts forestiers tout en maintenant le cadre juridique existant, permet d’apporter une aide aux petits propriétaires dans la lutte contre les conséquences du morcellement de nos forêts. Il évite toutefois de tomber dans une logique privilégiant la seule rentabilité, même si certains grands industriels l’appellent de leurs vœux.
Il s’agit avant tout de protéger nos forêts de prédateurs qui ne voient en elles qu’une opportunité d’exploitation économique, certes nécessaire, mais qui ne doit pas se faire à n’importe quel prix.
Il faudra réfléchir aux solutions que nous pourrons proposer à l’avenir aux territoires dépourvus de grands massifs forestiers, mais qui comptent de nombreuses microparcelles ne faisant, bien souvent, l’objet d’aucun document de gestion.
Les associations de propriétaires qui se créent dans ces territoires, accomplissent très souvent, en collaboration avec des structures locales telles que les parcs naturels régionaux (PNR) ou les pays, un excellent travail pédagogique opérationnel de gestion et d’exploitation de ces espaces. Elles auront sans doute besoin d’être écoutées à l’avenir.
Au cours des décennies écoulées, la forêt a trop souvent été envisagée sous le seul angle du modèle économique ou du patrimoine familial.
De nouveaux usages et de nouvelles utilités sont apparus comme le tourisme, la biodiversité, l’aménagement du territoire ou le changement climatique. Cela entraîne inévitablement l’arrivée de nouveaux acteurs qui peuvent, eux aussi, avoir besoin, pour intervenir utilement, d’accéder à certaines données dont ils ne disposent pas pour l’instant.
Nous devrons sans doute réfléchir à la manière de les intégrer et prévoir d’améliorer le partage des informations, à condition toutefois que celles-ci ne soient pas systématiquement utilisées à des fins commerciales.
À ce stade, restons-en aux dispositions du présent texte. Pour toutes les raisons que j’ai exposées et au nom de la protection de nos forêts, constitutives du patrimoine naturel de la Nation, les élus du groupe Socialiste, Écologiste et Républicain voteront pour cette proposition de loi.