Intervention de Marie Evrard

Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Accès des experts forestiers aux données cadastrales — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Marie EvrardMarie Evrard :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt a toujours nourri l’imaginaire des rapports de l’homme à la nature. Selon les sociétés, elle occupe une place plus ou moins importante dans les représentations sociales des paysages, que ces derniers soient considérés comme bucoliques, pittoresques ou romantiques.

La culture impressionniste de la fin du XIXe siècle l’a d’ailleurs sublimée. La forêt médiévale resurgit et prend une dimension mythique, sombre et ténébreuse, en double sémantique de l’architecture gothique.

Je pense ainsi à la forêt d’Othe, qui s’étend de Joigny, dans l’Yonne, à Troyes, dans l’Aube, sur 28 000 hectares et qui est encadrée par les vallées de la Vanne, de l’Yonne et de l’Armançon. On l’associe à un pays, le pays d’Othe. Ce site – je vous invite à le découvrir – abrite des sources d’eaux auxquelles on accorde des vertus guérisseuses, voire rédemptrices. Je pense en particulier aux étangs de Saint-Ange à Bussy-en-Othe, une commune de mon canton.

C’est cette représentation enchantée de nos espaces forestiers que nous devons conserver, notamment pour nous y promener, mais pas uniquement.

Outre la beauté de ces paysages si particuliers, la forêt constitue aussi un potentiel économique sous-exploité. Dans ce domaine, notre déficit commercial ne cesse de croître, alors même que la France dispose de la troisième surface forestière d’Europe et de la première place pour ce qui est de la production de chênes. Cela s’explique en partie par la spécialisation de la filière.

La forêt est aussi un enjeu environnemental : par sa fonction de stockage du carbone, elle participe à la lutte contre le réchauffement climatique. En effet, les surfaces boisées stockent le dioxyde de carbone et rafraîchissent l’air. Sous l’effet du soleil, l’eau absorbée par les arbres s’évapore et se transforme en vapeur d’eau. Ainsi des nuages se forment, engendrant de nouvelles précipitations qui freinent l’ardeur du soleil.

Toutefois, cette forêt française que nous chérissons tous pour son potentiel paysager, économique et environnemental se heurte au morcellement extrême de ses parcelles. La grande majorité de la surface forestière française est en effet morcelée entre de nombreux propriétaires privés.

Nous avons souligné, sous le prisme de l’engrillagement à outrance, cette parcellisation à l’extrême de nos forêts et ses conséquences néfastes sur l’environnement, dans la proposition de loi déposée par Jean-Noël Cardoux visant à limiter l’engrillagement des espaces naturels et à protéger la propriété privée. Nous espérons, à ce propos, que la navette parlementaire se poursuivra dans un avenir proche.

Plus largement, l’extrême parcellisation du foncier forestier est à la source d’un mauvais entretien des forêts privées et d’une sous-valorisation des bois et forêts. Elle empêche la forêt, en définitive, de remplir pleinement sa vocation environnementale et économique.

Ce texte ne mettra pas fin à la parcellisation et ce n’est pas son objet. Les Assises de la forêt et du bois, dont les conclusions sont attendues prochainement, devraient répondre à ce défi parmi d’autres, à partir d’une vision partagée par l’ensemble des acteurs de la filière forêt-bois.

Cependant, la présente proposition de loi pose une pierre fondatrice pour le renouveau de nos espaces forestiers, en particulier les forêts privées.

Un certain nombre de ces parcelles appartiennent à des propriétaires qui s’ignorent, souvent parce qu’ils ont hérité d’un terrain de quelques ares, désormais laissé à l’abandon.

Concrètement, de nombreux espaces non entretenus sont inexploitables – et je parle aussi bien de la gestion économique du bois que du simple loisir de la promenade – en raison, par exemple, de l’accumulation de chablis.

L’idée du texte qui nous est proposé est de prolonger une expérimentation prévue dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt et qui permet aux experts forestiers d’accéder aux informations cadastrales numériques relatives aux propriétés forestières. Il s’agit d’identifier un ensemble de propriétaires sur un massif forestier, de leur permettre de gérer en commun leurs arbres et de coordonner leurs actions pour aboutir à une gestion plus harmonieuse des forêts.

Nous soutiendrons pleinement cette initiative de bon sens porteuse d’espoir pour nos massifs forestiers. Beaucoup reste à faire pour que notre forêt française soit une force motrice de notre environnement et de notre économie.

Les constats ont été posés, les solutions sont en train d’être mises en œuvre. Relevons ces défis ! En attendant, nous soutiendrons cette proposition de loi.

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