Intervention de Fabien Gay

Réunion du 17 février 2022 à 14h30
Accès des experts forestiers aux données cadastrales — Adoption définitive d'une proposition de loi dans le texte de la commission

Photo de Fabien GayFabien Gay :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’un des objectifs de la proposition de loi dont nous débattons est une meilleure connaissance de la propriété forestière privée.

Nous partageons cet objectif. En effet, les trois quarts de la forêt française métropolitaine, soit près de 12, 6 millions d’hectares, appartiennent à 3, 5 millions de propriétaires. Cela signifie que ce sont des particuliers, des associations ou encore des coopératives qui gèrent eux-mêmes leur forêt, mais cela constitue rarement leur activité principale : 60 % d’entre eux possèdent au moins un hectare de bois et n’en tirent aucun revenu. Les parcelles de moins de 25 hectares, pour lesquelles un plan de gestion n’est pas obligatoire, sont globalement peu gérées, voire pas du tout.

De plus, de nombreux propriétaires forestiers ignorent jusqu’à l’existence de certaines de leurs parcelles. Ainsi, l’éloignement géographique des familles et le manque de connaissances sur le milieu forestier conduisent au délaissement de ces petites forêts.

Si ce morcellement contribue à la diversité de la forêt et la protège des dangers de l’uniformité, notamment des peuplements monoespèces, l’extrême parcellisation du foncier forestier est responsable d’un mauvais entretien des forêts privées et constitue un frein à une gestion raisonnée des espaces forestiers et à la mobilisation du bois.

Or le propriétaire est un acteur fondamental dans la production de l’espace forestier. La connaissance de la forêt privée passe donc par une meilleure connaissance de ses propriétaires.

Cette amélioration de l’identification permettrait, d’une part, une application du droit plus satisfaisante, de préférence au profit des propriétaires forestiers voisins en cas de vente d’une petite parcelle boisée.

D’autre part, elle favoriserait – et c’est l’objet de cette proposition de loi – la mise en gestion, l’entretien et l’exploitation durables des ressources forestières, lesquelles sont caractérisées par le morcellement. Cela contribuerait aussi à développer la production de bois.

Toutefois, cette meilleure connaissance, donc cet accès facilité aux cadastres pour les gestionnaires forestiers privés, doit être soumise non seulement à des critères économiques, mais aussi à des impératifs de bonne gestion, tels que ceux mis en œuvre par l’ONF dans le domaine public.

C’est pourquoi nous partageons pleinement la nécessité rappelée par Mme la rapporteure de mettre en place un code de bonne conduite permettant une protection des données personnelles des propriétaires forestiers et la protection contre le démarchage commercial abusif.

Il nous semble aussi important de rappeler que cette extension d’accès à certaines données fiscales ne doit pas avoir pour conséquence d’affaiblir la biodiversité et la capacité de régénération des forêts. En ce sens, cette connaissance ne doit pas devenir un outil permettant de faciliter les coupes rases et la mal-forestation.

Cet accès ne doit pas non plus entraîner la conversion d’un peuplement de feuillus en une plantation monospécifique, comme on a pu le constater avec la multiplication de la monoculture intensive de sapins de Douglas un peu partout sur le territoire.

En bref, « la forêt qui dort » ne doit pas devenir une usine à bois. Dans le contexte que nous connaissons, où les ressources en bois se raréfient et où les pénuries s’accentuent, nous devons être particulièrement vigilants. On le sait, les arbres sont essentiels dans la lutte contre le changement climatique et ils ne peuvent déployer leurs capacités de stockage de CO2 et de réserve de biodiversité que lorsqu’ils sont partie intégrante d’une forêt en bonne santé, diversifiée et entretenue.

Malgré ces remarques, nous voterons pour cette proposition de loi, qui permet de pérenniser l’expérimentation.

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