Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en tant qu’ancien président de la commission spéciale du Sénat chargée de l’examen de la loi ASAP, je me réjouis de l’examen consensuel de la présente proposition de loi.
En effet, ce texte est de bon sens.
Sur la forme, il s’agissait de trouver un véhicule législatif adapté à la suite de la censure par le Conseil constitutionnel d’une disposition considérée comme un cavalier législatif.
Sur le fond, le texte traduit une volonté exprimée par le législateur de pérenniser une mesure ayant fait l’objet d’une expérimentation à la suite de la loi d’avenir pour l’agriculture de 2014.
En effet, l’ambition de valoriser nos bois et nos forêts est largement partagée au sein de cet hémicycle, et le Sénat peut se targuer d’être avant-gardiste et force de proposition en la matière. Je pense notamment aux travaux du groupe d’études, présidé par Anne-Catherine Loisier, « Forêt et filière bois » en 2019 ou à ceux de la commission des finances sur ladite filière en 2015.
Face à une forêt publique dont l’exploitation est multifonctionnelle, la forêt privée, qui représente - vous le savez – 75 % de notre forêt française, reste quant à elle caractérisée par son extrême morcellement, qui conduit à sa sous-exploitation.
Aujourd’hui, plus de la moitié de la surface forestière privée est dormante. Ce constat n’est évidemment pas nouveau puisque le rapport Méo-Bétolaud de 1978 l’esquissait et aboutissait déjà à la conclusion que les marges de manœuvre de cette filière résidaient dans la forêt privée.
Toutefois, l’identification des 3, 3 millions de propriétaires privés reste une difficulté de taille.
Aussi, le présent texte, en permettant aux experts forestiers agréés d’accéder aux informations cadastrales, relève du bon sens.
Une telle mesure permet de sensibiliser lesdits propriétaires et, in fine, de mieux répartir l’effort entre forêt privée et publique. La pérennisation de cette mesure, dont l’expérimentation a été concluante, permettra – j’en suis sûr – un meilleur dialogue entre propriétaires.
Or celui-ci est non seulement nécessaire, mais également salutaire pour préserver la multifonctionnalité forestière et faire face aux nombreux défis et injonctions diverses que connaît la forêt.
J’en citerai trois.
Premièrement, le défi économique est celui d’une plus grande adaptation de l’offre de bois de la forêt publique et des forestiers privés à la demande des marchés, avec un accroissement de la part des résineux, afin de réduire le déficit commercial de la filière.
Deuxièmement, le défi écologique passe par le maintien d’un niveau élevé de biodiversité via une importante variété des peuplements, de bois mort et d’îlots de vieillissement, et l’établissement, ou la poursuite, de pratiques de gestion forestière favorables à la biodiversité.
Troisièmement, le défi sanitaire est très criant dans mon département à la suite de l’épidémie de scolyte qui a causé le dépérissement de 30 000 hectares de peuplements forestiers en France. À cet égard, et symptomatiquement, je suis convaincu qu’une meilleure vision d’ensemble alliant le public et le privé et un meilleur dialogue entre les propriétaires de parcelles voisines, permis par une identification facilitée, pourraient ralentir la diffusion de ces parasites, de surcroît dans un contexte d’épisodes de sécheresse liés au changement climatique.
Aussi, pour toutes ces raisons, le groupe centriste soutiendra naturellement cette proposition de loi.