Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la forêt est à la fois un puits de carbone, un espace de loisirs et une filière économique. Sa gestion et son exploitation constituent des enjeux capitaux dans notre pays.
Trop souvent oubliée des débats, la forêt revêt une immense importance tant elle apporte une réponse pertinente à nombre des défis que nous devons relever.
La proposition de loi que nous examinons vise à pérenniser une habilitation votée dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, qui permettait aux experts forestiers d’accéder aux données cadastrales afin de mener à bien leur mission. Portée par deux amendements sénatoriaux émanant des groupes socialiste et centriste, cette autorisation leur donnait, pendant trois ans, un droit d’accès aux données cadastrales sans limitation du nombre de demandes, mais restreint au périmètre géographique d’exercice de leur mission.
Dès 2014, nous avions pressenti qu’il était nécessaire de faire une exception au principe du secret fiscal pour ces professionnels, qui concourent notamment à la protection et à la mise en valeur des bois et forêts, à la préservation de la qualité des sols forestiers ou encore au rôle de puits de carbone des forêts.
Le temps nous a donné raison, puisque les experts nous demandent désormais de prolonger ce dispositif, afin de poursuivre leur mission dans de meilleures conditions.
Cela sera chose faite grâce à cette proposition de loi, qui vient pallier l’échec de l’inscription de cette mesure dans la loi ASAP en 2020.
Pourquoi un tel prolongement est-il nécessaire ? Bien qu’elle soit la quatrième forêt d’Europe, la forêt française se caractérise par son morcellement. Le constat est clair : 12 millions d’hectares de forêts privées, 3, 8 millions de propriétaires, avec une surface moyenne de 3, 4 hectares par propriétaire. Dans mon département, la Dordogne, même scénario : privée à 98 %, la forêt périgourdine est partagée par 90 000 propriétaires, dont 70 000 ne détiennent pas plus de 4 hectares.
Cet émiettement constitue un frein tenace tant à un usage raisonné et durable des richesses de nos forêts qu’à leur entretien. Parmi ces nombreux propriétaires, comme cela a déjà été dit, certains ont parfois même oublié détenir des parcelles et laissent ces dernières à l’abandon ; d’autres n’ont pas les moyens nécessaires à leur entretien, ce qui ne permet pas leur valorisation.
Pis, la négligence des espaces met en péril notre sécurité, en augmentant les risques d’incendie.
Ce manque à gagner à la fois patrimonial, écologique et économique sera, je l’espère, en partie pallié par cette proposition de loi.
Grâce à ce texte, les experts forestiers auront les moyens d’identifier l’ensemble des propriétaires d’un même massif forestier, ce qui permettra une gestion commune et partagée. Les opérations d’entretien et de reboisement seront facilitées et nous pourrons ainsi parvenir à une meilleure connaissance de notre patrimoine forestier et, si nécessaire, à en rationaliser l’exploitation.
Je salue le caractère consensuel du dispositif. Il y va de la pérennité de nos paysages ruraux et de nos modèles agricoles. Il y va aussi de notre sécurité civile, car une forêt mal entretenue peut, dans le contexte du réchauffement climatique, être sensible au feu. Il y va de notre résilience économique et de notre capacité de développement : l’exportation et la destruction de nos forêts à des fins d’exploitation sans état d’âme ne sont décidément pas le modèle que nous défendons si fièrement.