Intervention de Philippe Varin

Commission des affaires économiques — Réunion du 16 février 2022 à 9h35
Audition de M. Philippe Varin ancien président de france industrie chargé d'une mission sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales

Philippe Varin, ancien président de France Industrie, chargé d'une mission sur la sécurisation de l'approvisionnement de l'industrie en matières premières minérales :

Madame Estrosi Sassone, la question des compétences minières doit avant tout être clairement identifiée - la France a d'ailleurs plusieurs mines à exploiter. Nos dispositifs académiques existent et ne demandent qu'à être régénérés. Mais il faut faire des efforts de communication - c'est peut-être, notamment, le rôle de France Industrie - pour convaincre les jeunes qu'il s'agit d'une filière d'avenir. On ne peut pas se contenter de l'évoquer pour dénoncer tel ou tel problème.

Cela étant, je ne suis pas très inquiet à cet égard : je reçois, aujourd'hui, des étudiants qui s'apprêtent à fonder des start-ups dans le domaine de l'énergie nucléaire. Un discours positif sur le nucléaire aura un impact pour l'ensemble des filières. De plus, nous conservons de belles compétences académiques, notamment grâce au Bureau de recherches géologiques et minières.

Madame Chauvin, au sujet des plastiques, il faut distinguer deux approches majeures. Du côté de la grande consommation, le travail de développement doit se poursuivre et la réglementation doit conduire à l'amélioration du taux de collecte. Du côté de l'industrie, ce n'est pas le sujet : si le plastique est nécessaire, il faut l'utiliser. Sa performance par rapport à d'autres types de matériaux est encore une autre question. Nous travaillons en lien étroit avec les sociétés Solvay et Arkema ; nous faisons en sorte qu'elles soient pleinement associées au nouveau programme de recherche.

Monsieur Gay, la neutralité carbone européenne aura nécessairement un coût, à l'instar des mines responsables. Il faut donc que les autorités européennes prévoient une mise en régime de ces mesures dans le temps, faute de quoi nous n'aurons d'autre choix que d'importer des batteries chinoises ou coréennes. Il nous faut un horizon et des jalons ; ne confondons pas vitesse et précipitation.

De même, nous devons nous protéger, par les bons moyens, de toute concurrence déloyale sur le territoire européen. C'est tout le sens du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières.

Ne soyons pas naïfs : le rapport de force s'impose à nous et l'Europe doit tenir sa place - ce n'est pas encore pleinement le cas aujourd'hui. Il existe toutefois des domaines de coopération : si la mine responsable fait l'objet d'une norme européenne, pourquoi cette dernière ne serait-elle pas promue par les Japonais ou les Américains ? Ce qui est sûr, c'est que les Chinois auront du mal à adopter une norme imposant une telle traçabilité.

Monsieur Chatillon, vous avez vous-même donné la réponse à votre question : il faut anticiper. Les grands industriels français l'ont fait en allant chercher leur bonheur ailleurs, au motif que la France n'était pas assez compétitive. Nos entreprises sont donc au coeur des grands défis dans le monde entier. Bien sûr, les PME n'ont pu en faire autant.

Il suffit de suivre la campagne présidentielle pour constater que, pour la sphère politique, il s'agit là d'un véritable sujet. Nous pouvons nous donner les moyens de nos ambitions dans le cadre de France 2030. Il faut également réfléchir aux investissements futurs en lien avec le plan.

Monsieur Mérillou, j'aurais dû aborder plus tôt l'enjeu, absolument essentiel, de la substitution. Aujourd'hui, certains équipements permettent déjà de se passer des matériaux critiques, par exemple les batteries fer-phosphate, que les Chinois développent beaucoup. C'est aussi, pour eux, un facteur d'autonomie. En Chine, le taux de pénétration de ces batteries est proche de 20 %. Il pourrait monter à 30 % dans le monde. Toutefois, en termes d'autonomie, les performances ne sont pas celles du lithium-ion ; s'y ajoutent des enjeux de recyclage.

Une start-up située près d'Amiens, Tiamat Energy, produit d'ores et déjà du sodium-ion. À mesure que la pression va monter, les idées vont fleurir. Mais, à horizon de dix ans, les jeux sont déjà faits à plus d'un titre. Les gigafactories sont lancées ; pour certaines technologies, d'autres matériaux peuvent être utilisés dans ce cadre. C'est une réflexion que le groupe de travail dédié aux batteries doit prendre en compte dans le mois qui vient.

Pour ce qui concerne l'hydrogène, la France est dans la course. L'Allemagne se concentre sur deux grandes entreprises ; l'action de notre pays est plus dispersée.

L'hydrogène n'est pas la solution à l'horizon 2030 pour la voiture individuelle. Tout l'enjeu, c'est l'infrastructure de distribution ; mais il y a un véritable potentiel et, entre le nucléaire et l'hydrogène, la France a une carte à jouer. L'équation économique est difficile, il faudra encore beaucoup de travail pour que l'hydrogène soit compétitif, mais il s'agit assurément d'une solution d'avenir.

Enfin, les platinoïdes sont utilisés pour les piles à combustible et pour les pots catalytiques destinés au diesel. Il faut déterminer si l'équilibre entre les besoins et les ressources peut être satisfaisant.

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