Je commencerai par deux questions sur les deux premières parties du rapport et je terminerai un peu plus longuement sur le sujet de la fiscalité environnementale, qui doit être au centre de nos réflexions et reste au coeur de l'actualité.
La première question porte sur la partie « redistribution » du rapport : je constate que vous préconisez une amélioration des données fiscales, notamment s'agissant de l'imposition du patrimoine et de l'imposition des successions. Cela ne fait qu'abonder dans notre sens, nous partageons le même constat de carence et donc votre recommandation. Avez-vous eu une réaction de l'administration fiscale ? S'agit-il d'une difficulté liée à un manque de moyens ?
La deuxième question porte sur la partie « innovation » : comment parvenir à la systématisation d'une évaluation régulière des aides fiscales à l'innovation, comme vous l'appelez de vos voeux, afin notamment d'éclairer la représentation nationale sur l'opportunité de prolonger, étendre ou au contraire recentrer certains dispositifs ciblés ? C'est en effet un débat que nous avons régulièrement dans le cadre de l'examen des projets de loi de finances.
Je souhaite maintenant aborder la partie consacrée à la fiscalité énergétique et la lutte contre le changement climatique. Nous sommes nombreux au Sénat à porter l'enjeu de l'acceptabilité de cette fiscalité, mais je regrette que ce sujet reste pour le moment absent du débat public, dans le contexte de la campagne présidentielle.
La troisième partie du rapport du CPO est donc consacrée à la question du consentement à la fiscalité énergétique dans notre pays. Il n'est plus à démontrer que la fiscalité environnementale de manière générale suscite des résistances sociales fortes, comme en ont témoigné deux mouvements sociaux : le mouvement des « Bonnets rouges » en 2013, et le mouvement des « Gilets jaunes » en 2018.
Cette question de l'acceptabilité des taxes énergétiques et environnementales est d'autant plus problématique qu'elle concerne le seul instrument de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre dont nous disposons aujourd'hui, à savoir le prix du carbone. Le Sénat avait gelé cette trajectoire, à l'initiative de notre commission, pour plusieurs raisons identifiées comme des « blocages » à l'acceptabilité de la fiscalité énergétique.
D'abord, cette hausse du prix du carbone pèse de manière différente sur les ménages en fonction non seulement de leurs revenus mais aussi et surtout des lieux de résidence. Le poids de l'énergie dans le budget des ménages n'est en effet pas le même selon le lieu où l'on habite. Nous parlions à l'époque des « assignés à résidence », vous évoquez les « prisonniers énergétiques » pour désigner nos concitoyens très dépendants de l'énergie à la fois par leur position sociale et leur situation résidentielle contrainte. Au-delà de cette question de pouvoir d'achat, il existe aussi un sentiment de déclassement pour les ménages concernés.
Comment corriger ces inégalités et parvenir à améliorer l'acceptabilité de la fiscalité énergétique ?
Vous proposez d'affecter les recettes de la fiscalité environnementale à des mécanismes redistributifs mais aussi à des investissements verts, proposition qui se heurte directement au principe de non-affectation des recettes à des dépenses particulières. La situation est-elle suffisamment grave pour justifier de déroger à ce principe ?
Vous avez évoqué l'exemple de la Suède. Nous avons pu aussi étudier le cas suédois lors d'un déplacement du bureau de la commission des finances en 2019 : les réformes de la fiscalité énergétique ont été accompagnées d'une réforme complète de l'imposition des revenus des ménages et donc un « jeu de compensation » avec une baisse de la fiscalité pesant par ailleurs sur les ménages s'est opéré. Faut-il envisager un tel scénario dans notre pays ?
Je terminerai en évoquant la question de la fiscalité pesant sur les carburants : le niveau des prix à la pompe est aujourd'hui supérieur au niveau de 2018. Le Gouvernement s'est piégé lui-même, et considère aujourd'hui qu'il ne peut plus toucher aux taxes : pourtant, s'il refuse d'agir sur le niveau des taxes sur les carburants, il n'hésite pas à diminuer les taxes sur d'autres énergies, en particulier sur l'électricité. Nous sommes devant un mur de difficultés et il faut enfin poser les termes de ce débat.