Dans la lignée de notre rapport sur l'enseignement supérieur en arts plastiques, qui reprenait une partie des conclusions de l'enquête menée par la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la loi organique du 1er août 2001 relative aux lois de finances , nous avons souhaité mener, avec Vincent Éblé, un contrôle budgétaire sur l'enseignement supérieur des disciplines du spectacle vivant, en ciblant plus précisément les quatre opérateurs du ministère de la culture chargés de cette mission : les conservatoires nationaux supérieurs de musique et de danse de Paris et Lyon, le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris, et le centre national des arts du cirque, implanté à Châlons-en-Champagne.
L'enseignement supérieur de la musique et de la danse repose aujourd'hui sur deux conservatoires nationaux supérieurs situés à Lyon et Paris (constitués en établissements publics administratifs) et sur 13 pôles d'enseignement supérieur dont trois pôles pluridisciplinaires Arts Plastiques et Spectacle Vivant (Isdat à Toulouse, Hear à Strasbourg, Esal à Metz).
S'agissant de l'enseignement de l'art dramatique et de la marionnette, 13 établissements y participent : le conservatoire national supérieur d'art dramatique de Paris (constitué en établissement public administratif), l'école du Théâtre national de Strasbourg (constituée en établissement public industriel et commercial), l'école nationale supérieure des Arts et Techniques du Théâtre (ENSATT), placée sous tutelle du ministère de l'éducation nationale, et dix écoles sous statut associatif (9 écoles d'art dramatique et l'Institut international de la Marionnette-IIM).
En ce qui concerne le cirque, trois établissements sont habilités à délivrer le diplôme national supérieur professionnel : le Centre national des arts du cirque (CNAC) opérateur sous statut associatif, l'Académie Fratellini et l'école supérieure des arts du cirque Toulouse-Occitanie (Ésacto'Lido).
La subvention apportée par le ministère de la culture aux quatre opérateurs s'élève, au sein de la loi de finances pour 2022, à 48,6 millions d'euros (AE=CP), soit 19,25 % des crédits dédiés aux opérateurs de l'enseignement supérieur culture au sein du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture ».
Le programme 361 retrace également les financements du ministère de la culture en direction des autres structures dédiées à l'enseignement du spectacle vivant : établissements d'enseignement supérieur en musique, danse et théâtre, conservatoires territoriaux, pôles d'enseignement supérieur, et organismes de formation aux techniques du spectacle.
L'ensemble forme un réseau dense de structures de formation réparties partout sur le territoire et dont les quatre opérateurs du ministère de la culture peuvent apparaître, à des degrés divers, comme les plus beaux fleurons.
Les 380 conservatoires territoriaux relèvent, en principe, de la compétence des collectivités territoriales. La participation de l'État à leur financement est motivée par une dynamique d'aménagement culturel du territoire, dans un souci de développer un véritable maillage territorial et de favoriser l'accès aux contenus culturels pour le plus grand nombre. Dans ces conditions, le réseau des conservatoires est soutenu directement par le ministère de la culture, qui exerce un contrôle pédagogique.
La loi relative à la liberté de la création, à l'architecture et au patrimoine (LCAP), adoptée en 2016, a, en principe, clarifié le cadre juridique applicable aux conservatoires. La crise sanitaire n'a cependant pas permis d'engager les transformations réglementaires sur les établissements d'enseignement spécialisé relevant des collectivités territoriales.
En attendant, la loi de finances pour 2022 prévoit différents financements pour les conservatoires territoriaux, dont le montant total atteint 27,3 millions d'euros. Si le montant versé demeure relativement stable d'une année à l'autre, les modalités d'attribution des aides semblent cependant manquer de clarté et sont jugées inégales selon les directions régionales des affaires culturelles.
La mise en place de « pôles d'enseignement supérieur » constitués en établissements publics de coopération culturelle (EPCC) régionaux ou interrégionaux participe, quant à elle, du processus de structuration juridique, administrative, financière et scientifique de l'enseignement supérieur du spectacle vivant souhaité par le ministère de la culture. 13 établissements sont concernés. 11,3 millions d'euros sont dégagés pour le financement de ces pôles en loi de finances pour 2022.
Restent plusieurs écueils s'agissant de ces pôles.
Le premier tient à leur identité et à leur positionnement par rapport aux conservatoires nationaux et aux conservatoires territoriaux à rayonnement régional (CRR).
Le second écueil tient à leurs moyens : les pôles ont ainsi additionné les missions, sans réelle consolidation des moyens, au risque de connaitre une réelle crise de croissance.
Enfin, la principale difficulté de ces pôles concerne l'absence de locaux dédiés ou de locaux en propre. Il en résulte un éclatement des activités préjudiciable à la bonne organisation des cursus mais aussi à l'identité et à la visibilité de ces pôles.
Mais revenons aux quatre opérateurs. Nous avons identifié trois défis communs à ces structures.
Le premier a trait à l'insertion professionnelle. Selon les prévisions du ministère, 94 % des diplômés de l'enseignement supérieur dans le domaine du spectacle vivant et du cinéma devaient obtenir un emploi dans leur secteur de compétence en 2021 dans les trois ans suivant l'obtention de leur titre, contre 89 % en 2020.
Le ralentissement de l'activité culturelle lié à la crise sanitaire fragilise bien évidemment l'entrée sur le marché du travail. Les incertitudes entourant une reprise pleine et entière de l'activité dans le domaine du spectacle vivant supposeraient un suivi renforcé de cette question. Nous relevons qu'aucun dispositif particulier n'a été proposé au sein de la mission « Culture » ou de la mission « Plan de relance ».
Le taux global d'insertion doit par ailleurs être affiné et mieux documenté, s'agissant des revenus perçus notamment. Le Jeune théâtre national (JTN), chargé du suivi de l'insertion professionnelle des élèves issus du 1er cycle du CNSAD pourrait à ce titre constituer un exemple à suivre pour les autres enseignements.
Le deuxième sujet tient à l'ouverture sociale de ces opérateurs. Elle ne peut simplement être saisie au travers du sujet des bourses. Le nombre de préparations publiques permet d'affiner en effet ce raisonnement. Le ministère a octroyé son agrément à une quarantaine d'établissements proposant des cycles préparatoires aux concours des écoles d'enseignement supérieur. Ils sont pour l'essentiel publics.
L'offre publique ne saurait occulter l'attractivité des formations privées. Ainsi pour le CNSAD, les candidatures pour l'entrée en 1er cycle sont en moyenne issues à 55 % des cours privés et à 45 % des cours publics. Cette attractivité reste cependant insuffisamment documentée pour en tirer des conclusions. Les établissements ne communiquent pas en effet sur le parcours des candidats acceptés aux concours. Il en résulte une difficulté à apprécier l'efficience de l'offre préparatoire publique.
Dernier sujet, et non des moindres, celui de la mise à niveau des sites. Les quatre opérateurs ont en commun un recours significatif aux fonds publics en vue de financer d'importants investissements destinés à la mise à niveau de sites parfois anciens et à leur extension : 14,5 millions d'euros ont ainsi été consommés entre 2017 et 2020. Le Plan de relance prévoit par ailleurs 18,9 millions d'euros pour mener à bien des projets jusqu'alors non financés.
Cette somme ne couvre pas le très coûteux projet de Cité du théâtre, destiné à rassembler sur le site des Ateliers Berthier dans le 17ème arrondissement de Paris, les salles de la Comédie Française et de l'Odéon et le Conservatoire national supérieur d'art dramatique.
Le projet est financé sur les crédits du programme 131 « Création ». Le budget travaux de la Cité du théâtre a été initialement évalué à 86 millions d'euros toutes dépenses confondues (TDC) hors-taxe. Cette somme couvre l'acquisition d'une partie du terrain auprès de la Ville de Paris qui a évalué son prix à 12 millions d'euros. La livraison des travaux est prévue à l'horizon 2025. Reste que l'avant-projet sommaire (APS) consolidé, remis en avril 2021 par les architectes sélectionnés en 2018, laisse apparaître un montant d'opération plus élevé que l'estimation initiale. Les origines de ces surcoûts sont diverses, liées en grande partie à la prise en compte de diagnostics remettant en cause des hypothèses d'études initiales trop optimistes. Des pistes d'économies sont donc en cours d'examen par la maîtrise d'ouvrage.
Un état des lieux précis nous semble indispensable dans l'optique de la prochaine loi de finances comme nous souhaitons que soit détaillée l'utilisation des crédits du Plan de relance.
Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.