Intervention de Vincent Eblé

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 16 février 2022 à 9h35
Contrôle budgétaire — Financement de la recherche patrimoniale par le ministère de la culture et enseignement supérieur du spectacle vivant - communication

Photo de Vincent EbléVincent Eblé, rapporteur spécial :

La deuxième mission de contrôle budgétaire que nous avons souhaité mener relève d'un tout autre sujet.

La recherche en faveur des patrimoines regroupe les recherches menées sur le patrimoine archéologique, le patrimoine ethnologique, le patrimoine immobilier et mobilier, le patrimoine muséographique, le patrimoine archivistique, écrit et oral, ainsi que les recherches en conservation et restauration.

Trois services à compétence nationale (SCN) du ministère de la culture et de la communication sont spécifiquement dédiés à la recherche patrimoniale : le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH), le Centre de recherche et de restauration des musées de France (C2RMF) et le Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM).

Créé en 1967, le Laboratoire de recherche des monuments historiques (LRMH) dépend de la direction générale des patrimoines et de l'architecture du ministère de la culture.

Le LRMH est organisé autour de 9 pôles thématiques : grottes ornées, vitrail, métal, béton, peinture murale, pierre, bois, textile et microbiologie. Il répond à deux objectifs : apporter une assistance scientifique et technique aux travaux de conservation et de restauration des monuments historiques et développer une activité de recherche.

Le LRMH réalise environ 300 opérations par an. Il intervient toujours à titre gracieux.

Installé depuis 1970 dans les communs du château de Champs-sur-Marne, il est composé de 36 agents, dont 23 à vocation scientifique. Versée via les programme 175 « Patrimoines » et 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture », la dotation au LRMH s'élève à 0,89 million d'euros en AE et 0,96 million d'euros en CP en 2022, après mise en réserve.

Mis en place le 1er janvier 1999, le C2RMF est issu du regroupement du laboratoire de recherche des musées de France (LRMF), créé en 1931, et des services de restauration des musées de France, progressivement développés à partir de 1966. Le C2RMF est implanté sur deux sites : le palais du Louvre (laboratoires et ateliers de restauration) et la petite écurie du Roi au sein du château de Versailles (ateliers de restauration).

Le C2RMF participe principalement à la mise en oeuvre de la politique de la direction générale des patrimoines en matière de recherche, de conservation préventive et de restauration des collections des musées de France. Il constitue, à cet effet, une documentation sur les matériaux, les techniques et la restauration des oeuvres des musées afin d'approfondir la connaissance des matériaux constitutifs des oeuvres. Il met également en oeuvre des stratégies en conservation et restauration du patrimoine des musées à l'échelle nationale. Il dispose, en matière de recherche, d'outils innovants, à l'image de l'accélérateur de particules AGLAE. Le C2RMF est, en principe, une structure uniquement dédiée à la valorisation des collections des musées de France. Il ne procède pas à la formation stricto sensu des restaurateurs. Celle-ci relève de l'Institut national du patrimoine. Les étudiants de cet institut peuvent néanmoins effectuer des stages au sein du Centre. Service technique compétent en matière de restauration, le C2RMF participe, en outre, à la mise en oeuvre du contrôle technique et scientifique de l'État.

La dotation versée au Centre par le ministère de la culture, via les programmes 175 et 361 s'élève à 4,69 millions d'euros en AE et 4,02 millions d'euros en CP en 2022, après mise en réserve. Ses effectifs sont plafonnés à 151 ETP. Peuvent être associés aux travaux du Centre des doctorants et des chercheurs du CNRS.

Le département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines (DRASSM) a pour mission principale la préservation du patrimoine archéologique subaquatique et sous-marin. Il est compétent pour toutes les recherches archéologiques impliquant un recours à la plongée. Il est l'héritier de la direction des recherches archéologiques sous-marines (DRASM), mise en place en 1966 au sein du ministère de la culture.

En matière d'archéologie préventive, le DRASSM peut participer aux évaluations concernant principalement la construction des champs éoliens off-shore et la pose des câbles numériques et électriques immergés d'interconnexion. Le DRASSM est en effet compétent pour prescrire des travaux d'aménagement dans ce domaine, l'Institut national de recherches archéologiques préventives (INRAP) intervenant en principe en tant qu'opérateur. Sa zone d'intervention est extrêmement étendue, comprenant 11 millions de km² de zone économique exclusive. Son champ d'intervention est large puisqu'il couvre la grotte Cosquer (- 28 000 ans) comme les épaves du Débarquement (1944). Entre 100 000 et 150 000 épaves seraient ainsi sous sa juridiction.

Le DRASSM est composé de 36 agents, chercheurs et administratifs. Après avoir occupé depuis 1966 le fort Saint-Jean de Marseille, il est actuellement implanté sur le site de l'ancien stade de l'Estaque à Marseille. Il disposait jusqu'en 2021 d'une flotte composée de l'André Malraux, navire hauturier de 36 mètres, et du Triton, navire côtier (14 mètres). Il compte, depuis le 2 juillet 2021, un second navire hauturier, l'Alfred Merlin.

La loi de finances pour 2022 prévoit une dotation de 1,209 million d'euros en AE et 1,08 million d'euros en AE, versée via le programme 175 « Patrimoines ». Un fonds de concours abondé presque exclusivement par le produit des conventions d'évaluation archéologiques signées entre le DRASSM et les aménageurs en mer vient compléter ce financement. La loi de finances initiale 2021 prévoyait ainsi 0,93 million d'euros (AE=CP) de dotation complémentaire via ce fonds de dotation.

L'examen des crédits dédiés à la recherche patrimoniale au sein du programme 175 « Patrimoines » et du programme 361 « Transmission des savoirs et démocratisation de la culture » souligne, au-delà des trois services à compétence nationale, la multiplicité des acteurs publics dans ce domaine.

Deux groupements d'intérêt public à caractère culturel (CICRP et Arc'Nucléart) et un laboratoire départemental (Arc'Antique) concourent ainsi à des missions couvertes par le LRMH et le C2RMF. Deux établissements publics ont un rôle moteur en matière de recherche patrimoniale : l'Institut national de l'histoire de l'art - INHA et l'Institut national de recherches archéologiques préventives - INRAP.

Il y a, dans ces conditions, lieu de s'interroger sur l'efficacité de l'allocation de moyens à un nombre important de guichets, sans que ne soient définis les axes d'un projet global en matière de recherche patrimoniale. Nous redoutons ainsi un morcellement des moyens accordés, rendant le soutien public insuffisant.

La création de la Fondation des sciences du patrimoine aurait dû être le prélude à un rapprochement des structures publiques dédiées à la recherche patrimoniale. Ce pôle commun permettrait de mettre en place une logique de guichet pour les acteurs extérieurs, confrontés pour certains d'entre eux à des difficultés d'accès au C2RMF et au LRMH. Il répondrait aux défis auxquels ils font face, qu'il s'agisse des questions de personnels ou de la mutualisation des moyens, sans gommer les spécificités de chacune des entités.

Créée en 2015 et réunissant 14 États membres de l'union européenne, E-RIHS (European Research Infrastructure for Heritage Sciences) vise à changer de dimension, en prévoyant la mise en place d'une véritable infrastructure commune. Les perspectives ouvertes par E-RIHS et la mise en place d'une coordination au niveau national incitent à un rapprochement plus étroit des entités publiques en vue de favoriser la mutualisation des moyens et l'interopérabilité attendues.

E-RIHS pose cependant la question du maintien pour les acteurs extérieurs nationaux des conditions d'accès aux outils du C2RMF et du LRMH, qui devraient être sollicités par nos partenaires européens au risque de générer un manque de disponibilité, voire une saturation. La question de l'utilisation de l'accélérateur de particules du C2RMF Aglaé est notamment posée.

S'agissant du DRASSM, trois points ont retenu notre attention.

Le premier a trait à sa complémentarité à parfaire avec l'INRAP, dès lors qu'une opération de vérification lui est confiée. Une mise à disposition des moyens matériels conséquents dont dispose le DRASSM via sa flotte apparaît indispensable. Il s'agirait ainsi de rentabiliser celle-ci. Les travaux d'entretien et d'adaptation de cette flotte ont atteint 2,54 millions d'euros entre 2015 et 2021. Ce montant apparaît relativement important au regard de la date relativement récente d'acquisition des bâtiments. Ainsi, s'agissant du Triton acquis en 2016, les coûts d'entretien représentent déjà près de 30 % du prix d'acquisition. Une telle flotte peut d'ailleurs apparaitre disproportionnée. Nous avons ainsi un nombre limité du nombre de jours en mer de l'André Malraux depuis 2014, qui ne dépasse jamais 140 par an.

Au-delà du coût de la flotte, nous nous interrogeons également sur l'importance des versements effectués aux associations. Le DRASSM subventionne certaines opérations menées par des associations qui disposent de moyens plus légers. Reste que le montant des subventions versées par le DRASSM entre 2015 et 2020 atteint 791 664 euros. Il s'élevait à 124 960 euros en 2020, soit 14 % des crédits de fonctionnement du DRASSM lors de cet exercice.

Ces observations font partie des huit recommandations que nous vous proposons d'adopter aujourd'hui.

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