Le projet de loi dont nous examinons ce matin les dispositions restant en discussion affiche une grande ambition, puisqu'il vise à rétablir la confiance de nos concitoyens dans l'institution judiciaire. Comme nous l'avons indiqué lors de nos débats en séance, nous ne sommes pas convaincus que ce texte composite permette d'atteindre cet objectif. Il traite peu de la justice du quotidien, qui est la justice civile, et il ajoute de la complexité à la procédure pénale, alors que les acteurs du monde judiciaire ont insisté sur la nécessité de la simplifier.
Le Sénat a néanmoins examiné avec un état d'esprit constructif les dispositions qui lui étaient soumises. La deuxième partie du texte, consacrée à la discipline, à la déontologie et aux conditions d'intervention des professionnels du droit, s'est révélée assez consensuelle. Cette réforme a été bien préparée et le Sénat y a surtout apporté des améliorations techniques. Nous nous sommes interrogés sur l'opportunité de donner force exécutoire aux accords négociés entre avocats à l'issue d'un passage par le greffe, mais nous avons finalement approuvé ce dispositif, qui répond à une demande ancienne de la profession.
Le Sénat a également accepté le nouveau cadre juridique proposé pour l'enregistrement et la diffusion des audiences, en précisant le sens de la notion d'intérêt public pouvant justifier une telle diffusion et en apportant des garanties supplémentaires : ainsi, les personnes qui acceptent d'être enregistrées le feront à titre gratuit, et les dispositions qui encadrent la diffusion s'appliqueront même si les images sont cédées à un autre diffuseur.
Concernant la justice criminelle, le Sénat a marqué son attachement à la poursuite de l'expérimentation des cours criminelles départementales. Des évaluations de qualité ont été réalisées, notamment par nos collègues Stéphane Mazars et Antoine Savignat, et les premiers résultats sont encourageants. Cependant, ces évaluations ont porté sur un petit nombre d'affaires et le déroulement de l'expérimentation a été perturbé d'abord par la grève des avocats puis par la crise sanitaire. La proposition prévoyant une généralisation de ces cours le 1er janvier 2023, en l'accompagnant d'un comité de suivi composé de parlementaires, semble intéressante et permettra d'évaluer le dispositif.
Je fais observer que le Sénat a adopté, sur l'initiative du garde des sceaux, l'amendement « Mis et Thiennot », qui avait donné lieu à un débat à l'Assemblée nationale. La rédaction de l'amendement a été retravaillée pour aboutir à une solution satisfaisante.
L'Assemblée nationale avait décidé de supprimer le rappel à la loi. Considérant qu'il était indispensable que les parquets disposent d'un premier niveau de réponse pénale, le Sénat a adopté l'amendement proposé par le Gouvernement créant un avertissement pénal probatoire, moyennant un ajustement sur la durée de la période probatoire. Nous devrions trouver un compromis sur ce point.
Le Sénat a également approuvé la réforme des remises de peine : les remises automatiques aboutissaient à une forte érosion de la peine dès la mise sous écrou, indépendamment des efforts du condamné, ce qui était mal compris par nos concitoyens. La prise en compte du comportement en détention et des efforts de réinsertion nous paraît un mécanisme plus vertueux.
Enfin, sur le volet du travail pénitentiaire, nous avions une inquiétude sur les conséquences que les nouveaux droits sociaux reconnus aux détenus pourraient avoir sur le coût du travail. Il ne faudrait pas que la réforme dissuade les entreprises de proposer du travail en détention. Le garde des sceaux a pris l'engagement que le surcoût serait pris en charge par l'administration pénitentiaire, ce qui a atténué nos craintes et nous a conduits à approuver ce volet du texte.
Avant de céder la parole à mon collègue Philippe Bonnecarrère, qui va évoquer les articles du projet de loi qu'il a plus particulièrement suivis, je voudrais souligner que nos échanges avec le rapporteur de l'Assemblée nationale, Stéphane Mazars, nous ont permis de rapprocher nos positions sur un grand nombre de sujets. J'espère donc que nous pourrons trouver un terrain d'entente ce matin.