Intervention de Philippe Bonnecarrere

Commission mixte paritaire — Réunion du 21 octobre 2021 à 9h10
Commission mixte paritaire

Photo de Philippe BonnecarrerePhilippe Bonnecarrere, rapporteur pour le Sénat :

Afin de parvenir à une CMP conclusive, nous renoncerons aux modifications que le Sénat avait apportées à l'article 2, à l'exception de la prorogation des délais en cas de demande d'entraide internationale, car certains pays sont peu coopératifs. Les autres dispositions de l'article 2 faisaient l'objet d'un accord entre les deux chambres.

Une inquiétude demeure pourtant. Dans un monde idéal, réduire le délai des enquêtes préliminaires à deux ans serait parfait. Mais nous ne vivons pas dans un tel monde et nous manquons d'enquêteurs. Lorsque François Molins a quitté ses fonctions de procureur de la République de Paris, on comptait des centaines d'affaires de fraude fiscale en cours, et le parquet ne disposait que d'une poignée d'enquêteurs pour les traiter... Le nombre de dossiers en stock est donc important, et les délais seront certainement supérieurs à deux ans. On peut donc s'attendre à des classements sans suite massifs ou à des ouvertures d'informations judiciaires, qui encombreront les juges d'instruction.

En outre, l'introduction du contradictoire dans la procédure d'enquête préliminaire pourrait conduire les parquets à choisir plus fréquemment la voie de l'instruction. L'article 2 marque ainsi le grand retour du juge d'instruction. Les états généraux de la justice auront lieu bientôt et traiteront de la procédure pénale. L'article 2 semble préempter les débats.

Concernant l'article 3, notre position sur le secret professionnel de l'avocat a pu troubler certains. Beaucoup d'avocats étaient persuadés qu'ils possédaient un secret professionnel erga omnes, mais ce n'est pas le cas. Le Sénat, comme l'Assemblée nationale, se sont bien inscrits dans une logique d'extension de ce secret au conseil. Reste à savoir si ce secret professionnel doit être indivisible et illimité. Nul secret professionnel n'est illimité, pas même le secret médical. Nous avons considéré qu'il était normal que la société conserve des moyens d'action sur certains sujets, comme la fraude fiscale ou la corruption, qui touchent directement à l'essence même de la société, à la démocratie, au principe de consentement à l'impôt.

La proposition de rédaction qui vous est soumise ce matin est satisfaisante : elle fait bien la distinction entre l'avocat prenant une part active dans la commission d'un délit de fraude fiscale, de corruption ou de blanchiment de capitaux, et l'avocat qui est instrumentalisé pour réaliser les actes techniques nécessaires à la rédaction des statuts d'une société offshore ou d'un trust...

Sur la prise illégale d'intérêts, nous traitons en réalité plusieurs sujets. Il y a d'abord la question du champ des personnes concernées par cette infraction. Nous avons retenu les trois catégories visées dans le texte de l'Assemblée nationale, à savoir les hauts fonctionnaires, les titulaires de mandats électifs et les magistrats. Nous pensions que la création d'un délit de prise illégale d'intérêts pour les magistrats heurterait les sensibilités, cela n'est manifestement pas le cas.

Ensuite, il y a la question de la définition même de l'infraction. Les exemples abondent d'élus locaux incriminés alors que leur comportement ne constitue en rien une atteinte à la probité et relève d'un simple défaut de procédure. Pour y remédier, le Sénat a adopté la modification suggérée par le président de la HATVP, Didier Migaud, afin de bien distinguer ce qui relève de la probité de ce qui n'en relève pas. Nous nous sommes interrogés sur le fait de savoir si les magistrats devaient être traités à la même enseigne que les hauts fonctionnaires et les élus. Il nous semble qu'en appliquant la rédaction « Migaud » aux magistrats, nous parvenons à appréhender correctement la réalité du métier de juge.

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