J'ai l'honneur de vous présenter aujourd'hui mon rapport sur le projet de loi de ratification des ordonnances prises sur le fondement de l'article 13 de la loi n° 2019-816 du 2 août 2019 relative aux compétences de la Collectivité européenne d'Alsace, examiné en deuxième lecture. Comme vous le savez, ce texte était initialement composé de trois articles visant à ratifier trois ordonnances, dont l'une a plus particulièrement fait l'objet d'échanges nourris : celle relative à l'instauration d'une taxe sur le transport de marchandises par la Collectivité européenne d'Alsace.
En première lecture, le Sénat a, en commission puis en séance publique, amélioré le texte suivant trois axes principaux.
D'abord, notre commission avait souhaité renforcer l'efficacité de l'ordonnance relative à la taxe alsacienne pour la rendre plus opérationnelle d'une part et, d'autre part, pour rendre ce dispositif transposable aux collectivités territoriales favorables à la mise en oeuvre d'une taxe similaire, ainsi que le permet désormais l'article 137 de la loi « Climat et résilience » du 22 août 2021.
Ensuite, pour répondre aux préoccupations des collectivités limitrophes quant aux possibles « effets de bord » de la taxe alsacienne, notre commission avait veillé à favoriser, en amont de la mise en place de la taxe, la concertation entre les collectivités et, en aval, l'évaluation des reports de trafic.
Enfin, notre commission avait enrichi le texte pour anticiper la révision en cours de la directive « Eurovignette » et prévoir que la taxe pourrait, sous réserve de l'entrée en vigueur de la nouvelle version de la directive, prendre en compte les émissions de gaz à effet de serre des véhicules, d'une part, et s'appliquer, sur demande de la Collectivité européenne d'Alsace, aux véhicules utilitaires légers et aux poids lourds de plus de 2,5 tonnes, d'autre part.
En définitive, après son adoption en première lecture par le Sénat, le projet de loi s'était étoffé de 23 nouveaux articles, s'ajoutant aux 3 articles du projet de loi initial. Ces modifications ont fait l'objet d'un travail important de concertation préalable avec les principaux acteurs concernés. Au terme de son examen par l'Assemblée nationale, le texte compte désormais 21 articles, dont seulement 2 nouveaux articles insérés.
Au total, les députés ont en grande partie conforté les travaux du Sénat puisque de nombreux apports ont été conservés. Dix des articles additionnels introduits au Sénat ont été adoptés conformes ou modifiés à la marge. C'est notamment le cas pour la création d'un comité de concertation des collectivités territoriales en matière de taxation des poids lourds (article 1er octodecies), l'aggravation des sanctions en cas de comportements frauduleux (article 1er terdecies), l'intégration des sociétés donneuses d'ordre dans la consultation préalable à la mise en oeuvre de la taxe ou encore l'amélioration du calendrier des délibérations de la Collectivité européenne d'Alsace (article 1er sexdecies).
D'autres articles insérés par le Sénat ont fait l'objet de modifications plus importantes, mais qui ne remettent pas en cause leurs objectifs. C'est le cas notamment de l'article 1er sexies, qui permet à la Collectivité européenne d'Alsace de mettre en place une solution de « ticketing » pour les redevables occasionnels de la taxe, qui a été intégralement réécrit, mais qui poursuit le même objectif.
Par ailleurs, quelques articles ont fait l'objet de rédaction de compromis entre le Sénat et l'Assemblée nationale.
C'est par exemple le cas de l'article 1er septdecies relatif à l'évaluation de la taxe. Outre la remise d'un rapport au Parlement prévu à l'issue de cinq ans de mise en oeuvre, notre commission avait prévu la remise d'un rapport d'étape deux ans après l'instauration de la taxe, afin de bénéficier d'un retour sur l'expérience alsacienne compte tenu des potentielles taxes régionales à venir dans les prochaines années. Si l'Assemblée a, dans un premier temps, supprimé ce rapport d'étape en commission, elle a finalement en contrepartie, en séance publique, réduit le délai de remise du rapport de cinq à trois ans. Je me félicite que nous ayons pu, avec mon homologue de l'Assemblée nationale, trouver cette position d'équilibre. En outre, nous avons précisé que ce rapport devait évaluer les reports de trafic sur le réseau du domaine public des régions, des départements et des communes limitrophes. Cet apport a été conservé à l'Assemblée nationale.
Suivant la même logique, une position d'équilibre a été trouvée entre les deux chambres concernant l'introduction d'une procédure de régularisation sans frais pour les redevables occasionnels. Si l'article 1er octies, inséré par le Sénat sur ce sujet, a été supprimé à l'Assemblée nationale, une telle procédure, certes allégée, a été réintroduite à l'article 1er sexies.
Les députés ont également introduit deux nouvelles dispositions qui permettent encore d'améliorer le caractère opérationnel de l'ordonnance en prévoyant, d'une part, que la procédure de taxation d'office peut être mise en oeuvre quel que soit le mode de constatation de l'irrégularité et, d'autre part, qu'il appartiendra à la Collectivité européenne d'Alsace de déterminer le montant des frais de dossier en cas de mise en oeuvre de la taxation d'office.
Ces points positifs ne doivent toutefois pas occulter plusieurs reculs significatifs dus à six suppressions d'articles introduits au Sénat et à la modification de plusieurs d'entre eux.
À titre d'illustration, l'Assemblée nationale a supprimé les articles adoptés au Sénat afin d'anticiper la révision de la directive Eurovignette, estimant qu'ils portaient atteinte à la lisibilité du droit. Je ne souscris pas à cet argument et je rappelle que l'entrée en vigueur des dispositions en question était conditionnée par la révision de la directive. Elle a également supprimé l'article 1er duodecies, qui permettait à la Collectivité européenne d'Alsace d'installer des dispositifs de contrôle automatisé, au motif que cette dernière n'en avait pas formulé la demande. Or, il ne s'agissait que d'une possibilité offerte à cette dernière, dont elle aurait été libre de se saisir ou non.
Je regrette ces évolutions.
Néanmoins, je vous propose, mes chers collègues, de voter ce texte conforme à celui adopté à l'Assemblée nationale pour trois raisons principales.
D'abord, sur le fond, je constate qu'une majorité des apports du Sénat ont été conservés à l'Assemblée nationale, même si certains d'entre eux ont été supprimés ou modifiés. Ces enrichissements permettent d'améliorer significativement l'état du droit et donc de renforcer le caractère opérationnel d'un dispositif attendu depuis si longtemps par les Alsaciens. L'adoption d'un texte conforme est opportune pour soutenir cette collectivité dans sa démarche.
Certes, dans l'absolu, il serait possible de modifier le texte pour rétablir certains articles, mais j'en viens justement à mon deuxième point : les contraintes du calendrier parlementaire qui ne nous permettent a priori pas d'envisager une troisième lecture compte tenu de l'interruption prochaine des travaux, pas plus que la convocation d'une CMP compte tenu de l'absence d'engagement de la procédure accélérée. Deux options étaient donc envisageables. La première option était de modifier ce texte, mais cela aurait conduit, de fait, à faire échouer la navette parlementaire, et l'ordonnance déjà entrée en vigueur ne pourrait ni être modifiée ni être ratifiée. Très concrètement, si nous n'adoptions pas ce texte conforme, la Collectivité européenne d'Alsace se retrouverait privée de la possibilité de mettre en place une solution de paiement pour les redevables occasionnels. Il en irait de même pour le comité de concertation préalable ou encore le rapport évaluant les potentiels reports de trafic. Cette option est peu opportune, car elle conduirait à ne retenir aucun des apports du Sénat, qui ont pourtant fait l'objet d'un important travail de concertation.
L'autre option, et c'est l'option que je vous propose de suivre aujourd'hui, est d'adopter le texte conforme à celui adopté par l'Assemblée nationale afin de préserver les apports du Sénat et ceux de l'Assemblée nationale qui permettent, comme je l'ai évoqué, de renforcer le caractère opérationnel du dispositif et de créer les conditions du dialogue entre les collectivités territoriales.
Troisième et dernier point, l'adoption d'un texte dans les mêmes termes que celui adopté par l'Assemblée nationale permettra la ratification des trois ordonnances du projet de loi et donc de sécuriser leurs dispositions en leur conférant une valeur législative. La taxe alsacienne est susceptible de faire l'objet de plusieurs contentieux. Une sécurisation de l'ordonnance par sa ratification est donc opportune pour renforcer ce dispositif.
Pour l'ensemble de ces raisons, je vous propose, mes chers collègues, dans un esprit de responsabilité, d'adopter ce texte sans modification.