Intervention de Jean-Claude Anglars

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 février 2022 à 8h30
Proposition de loi visant à permettre l'implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés — Examen du rapport et du texte de la commission

Photo de Jean-Claude AnglarsJean-Claude Anglars, rapporteur :

Il me revient à présent de vous présenter mon rapport sur cette proposition de loi qui, comme cela a été dit, répond à une demande formulée de longue date par les élus du littoral.

La loi « Littoral » de 1986 qui encadre les conditions d'aménagement et d'occupation des sols dans les quelque 1 200 communes littorales que compte notre pays freine le déploiement de l'énergie photovoltaïque dans de nombreux territoires.

En effet, en application du code de l'urbanisme, les « extensions de l'urbanisation » - c'est-à-dire les constructions nouvelles - ne sont autorisées sur le territoire des communes littorales qu'à proximité des « agglomérations et villages existants ».

Si des dérogations à ce principe ont été accordées par le législateur - notamment pour les cultures marines et les activités agricoles et forestières -, aucune dérogation spécifique n'est prévue s'agissant des installations nécessaires à la production d'électricité à partir de l'énergie radiative du soleil à ce jour.

En outre, le juge administratif rappelle régulièrement qu'il considère les installations photovoltaïques comme une « extension de l'urbanisation » qui n'est permise, sur le territoire des communes littorales, qu'en continuité des constructions existantes.

Or, les collectivités littorales sont de plus en plus nombreuses à vouloir porter des projets d'édification de panneaux solaires sur leur territoire à distance des habitations, afin de favoriser leur acceptation sociale. Du fait de la loi « Littoral », elles se trouvent toutefois dans une impasse juridique.

Afin de mieux appréhender ces difficultés, je me suis rendu, il y a quelques jours à peine, à l'île d'Yeu, avec mon collègue Didier Mandelli. Cette commune s'est engagée d'une démarche de transition écologique intéressante : elle possède un vaste parc de véhicules électriques et a lancé une expérimentation d'autoconsommation collective d'énergie photovoltaïque à l'échelle d'un quartier. Depuis près de dix ans, elle appelle de ses voeux un projet de création d'un parc photovoltaïque qui permettrait de fournir environ 30 % de la consommation électrique de la population. Ce projet se heurte toutefois à des freins juridiques, notamment liés à la loi « Littoral ».

Le cas particulier de l'île d'Yeu est emblématique des difficultés rencontrées par de nombreux territoires littoraux.

À l'heure où la France affirme ses ambitions en matière de transition énergétique, nous ne pouvons pas nous satisfaire de cette situation. Rappelons qu'en 2015, avec la loi relative à la transition énergétique pour une croissance verte, nous avons inscrit dans notre droit l'objectif de porter à 40 % d'ici à 2030 la part des énergies renouvelables dans notre production d'électricité. Aujourd'hui, les énergies renouvelables constituent environ 20 % de notre mix énergétique : il reste donc beaucoup de chemin à parcourir.

La loi Climat et résilience du 22 août 2021 avait prévu la déclinaison au niveau régional des objectifs de développement des énergies renouvelables définis au niveau national, afin d'ancrer la transition énergétique au niveau local.

Il est donc essentiel de permettre à tous les territoires d'exploiter leur potentiel de production d'énergies renouvelables, y compris s'agissant des territoires littoraux. J'ajouterais que cette exigence est renforcée dans les régions insulaires, qui sont souvent fortement dépendantes des énergies fossiles importées du continent.

Dès 2015, le législateur s'est d'ailleurs inscrit dans cette démarche puisqu'il a introduit une dérogation à la loi « Littoral » pour permettre l'implantation d'éoliennes à distance des villes et villages. Cette dérogation a été limitée aux éoliennes en raison des nuisances associées à ces installations, à la fois sonores et visuelles, qui ne permettent pas une implantation à proximité immédiate des habitations. Si les panneaux solaires génèrent moins de nuisances, leur impact paysager peut malgré tout gêner les riverains. Une évolution de la loi « Littoral » serait donc opportune.

C'est l'objet de l'article unique de cette proposition de loi qui vise à permettre l'implantation des installations photovoltaïques en discontinuité des constructions existantes au sein de communes littorales. Afin de ne pas empiéter sur les sols agricoles, constructibles et, bien sûr, sur les surfaces naturelles, cette dérogation ne s'appliquerait qu'à des friches - c'est-à-dire à des sites qui ne sont plus exploités - dont la liste sera fixée par décret.

Dans un souci de respecter l'impératif de protection de l'environnement qui sous-tend la loi « Littoral », la dérogation est encadrée de manière stricte : d'une part, les projets seront autorisés au cas par cas par l'autorité compétente de l'État, sur la base d'une étude d'incidence démontrant notamment que le projet ne porte pas atteinte à l'environnement ou aux paysages ; et, d'autre part, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sera consultée avant toute autorisation.

Si le recensement des friches concernées n'a pas encore débuté, une vingtaine de sites pourraient bénéficier du dispositif, selon les informations transmises par le ministère de la transition écologique.

J'approuve pleinement ce dispositif, qui constitue, tel qu'il est rédigé, un point d'équilibre satisfaisant entre les objectifs de développement des énergies renouvelables et de protection des milieux littoraux. Surtout, ce texte répond à une demande récurrente et légitime d'élus du littoral, qui sont nombreux à vouloir engager leur commune dans une démarche de transition écologique et à se trouver freinés par un cadre législatif trop rigide.

J'en viens à présent à la question de la stratégie à adopter pour l'examen de ce texte, à laquelle nous avons réfléchi, avec mon collègue Didier Mandelli.

J'ai conscience que l'objet de ce texte est très circonscrit, et que certains acteurs auraient souhaité aller plus loin pour favoriser plus largement le déploiement des activités favorables à la transition écologique en zone littorale.

Je pense toutefois que nous pouvons voir ce texte comme une première étape dont nous devons nous satisfaire, et qui pourra être suivie d'évolutions ultérieures.

Aussi, compte tenu de l'enjeu que revêt cette proposition de loi pour de nombreux territoires en attente de solutions, nous vous proposons, de manière pragmatique et responsable, de préserver l'équilibre de la rédaction qui a été trouvé avec les députés et le Gouvernement dans le cadre de l'examen du texte Climat et résilience. De cette manière, nous mettons toutes les chances de notre côté pour mener ce texte au terme de la navette parlementaire.

Madame la ministre, je m'associe au président Longeot pour vous demander à mon tour l'inscription de ce texte à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. J'ai conscience que le calendrier parlementaire est très chargé et rend sans doute difficile un examen par la chambre basse avant la suspension des travaux. Et en tout état de cause, on peut espérer que la prochaine législature nous permette enfin d'aboutir.

Bien sûr, nul ne peut connaître l'issue de l'élection présidentielle prochaine : dans l'hypothèse où la majorité sénatoriale se trouverait confortée au sommet de l'État français en mai prochain, les conditions d'une inscription de la proposition de loi de Didier Mandelli à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale seraient plus faciles à réunir. Mais si votre majorité devait être renouvelée, je souhaiterais avoir l'assurance, madame la ministre, que le Gouvernement fera le nécessaire pour avancer sur ce sujet et soutenir l'évolution de bon sens que nous proposons. Vous l'aurez compris, il s'agit de mettre les actes en cohérence avec les objectifs et de permettre aux régions littorales de contribuer au déploiement des énergies renouvelables dans notre pays.

Il me revient de proposer à la commission le périmètre indicatif à la proposition de loi n° 40 (2021-2022) en application du vademecum sur l'application des irrecevabilités au titre de l'article 45 de la Constitution, adopté par la Conférence des présidents. Je vous propose d'inclure dans le périmètre du texte que nous examinons les dispositions relatives à l'adaptation des règles d'urbanisme applicables en zone littorale en vue d'y favoriser le développement des activités économiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion