Chacun sait que nous avions milité pour que le réseau soit confié à une structure totalement indépendante ; mais le Gouvernement et le Parlement ont fait un choix différent.
Le fait de conserver une holding SNCF était un signal social important. À la place du Gouvernement, j'aurais eu aussi cette problématique à l'esprit. La fin du monopole est une révolution très dure pour les cheminots. Les maintenir tous au sein d'une même entité était socialement très important.
Cela pose cependant des difficultés. Si vous l'interrogez, Luc Lallemand vous dira qu'il se sent indépendant, et c'est vrai qu'au quotidien, il semble pouvoir l'être. Mais sur les grandes politiques d'investissement, les ressources mêmes de SNCF Réseau proviennent des bénéfices de SNCF Voyageurs à hauteur d'un milliard d'euros - certes indirectement, puisqu'elles passent par l'État.
Si j'étais SNCF Voyageurs, en concurrence sur un sillon avec une entreprise X, je dirais à SNCF Réseau : « si tu veux des ressources, il vaut mieux que ce soit moi qui dispose du sillon... »
Le principe même de l'origine de cette ressource va à l'encontre de l'indépendance du gestionnaire d'infrastructure.
En outre, les fonctions mutualisées à la holding comme l'expertise juridique posent des difficultés.
Je pense que l'on vivra avec le rail ce qu'on a vécu avec l'électricité, c'est-à-dire la séparation entre un gestionnaire d'infrastructure et un distributeur. Il faut le temps pour pouvoir y arriver. C'est la fonction de l'ART d'être extrêmement vigilant à cet égard.
Quand Jean-Pierre Farandou est arrivé à la tête de la SNCF, il a nommé des directeurs régionaux pour l'ensemble du champ de la SNCF. Nous lui avons dit qu'il ne fallait, dans les fiches de postes, aucun lien hiérarchique avec les directions de SNCF Réseau. Nous y sommes très attentifs.
Merci à Philippe Tabarot pour ses propos très gentils. C'est une bonne chose qu'un ancien parlementaire préside d'une autorité de régulation, car il mesure le champ de la légitimité et les limites d'un pouvoir important qui lui a été délégué par le Parlement, mais aussi la nécessité de rendre des comptes et de s'en tenir à l'expertise. Grâce à des équipes très compétentes, c'est une mission passionnante au service de l'intérêt public.