Intervention de Édouard Hénaut

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 février 2022 à 8h30
« l'ouverture du secteur ferroviaire quel bilan ? » — Audition avec des nouveaux entrants

Édouard Hénaut, directeur général France du groupe Transdev :

Transdev attendait cette réforme depuis longtemps. Notre expérience depuis vingt-cinq ans, en Suède et en Allemagne, nous conforte dans l'idée que la concurrence est positive pour le rail régional.

Transdev est un groupe franco-allemand. Nos actionnaires sont l'entreprise Rethmann et la Caisse des dépôts et consignations. Nous sommes devenus le premier opérateur privé sur les marchés conventionnés en Europe. En trains-kilomètres, nous exploitons l'équivalent de 40 % du réseau TER hors Île-de-France. Notre expertise ferroviaire est donc solide et complète.

Dans ces deux pays, l'ouverture à la concurrence a fait baisser les coûts pour les régions. Ces marges financières ont été réinjectées dans le développement du service public, avec + 25 % de trains-kilomètres en Allemagne entre 1996 et 2016. L'ouverture à la concurrence ne conduit pas à moins de services publics, mais à plus de services pour les usagers.

En France, le coût hors péages s'élève à 3,7 milliards d'euros pour 170 millions de kilomètres. En Allemagne, il atteint 5,5 milliards d'euros pour 635 millions de kilomètres. On peut donc développer l'offre et continuer à proposer un service sur des lignes de desserte fine.

Düsseldorf par exemple, alors que l'opérateur en monopole envisageait la fermeture d'une ligne transportant 500-600 personnes par jour, celle-ci est passée à 23 000 personnes par jour à la suite de son électrification qui s'inscrit également dans la logique de transition énergétique.

Avant la réforme de 2018, le système français se caractérisait par un service onéreux pour les régions. Les coûts de TER ont augmenté d'environ 95 % durant la dernière décennie pour une qualité de service qui n'est pas à la hauteur des attentes. Pourtant, avec un tarif de 25 euros du train-kilomètre, on aurait pu envisager un haut niveau de service de la part de l'opérateur en monopole.

Ce système en monopole a engendré une augmentation des coûts et un moindre intérêt pour l'usager qui n'a pas le choix. L'option rationnelle en région ne consiste plus aujourd'hui à prendre le train, de manière simple et efficace, mais à privilégier l'usage de la voiture.

L'automobile est certes utile dans certains territoires où l'offre de transports publics n'est pas toujours présente. L'objectif est néanmoins d'éviter de favoriser la réutilisation de la voiture en apportant un service de qualité par la régularité, l'offre et la fréquence.

Cette approche est essentielle pour la planète, mais aussi en matière de pouvoir d'achat. Pour mémoire, l'utilisation du transport public coûte normalement entre sept et dix fois moins cher que l'utilisation d'un véhicule qui s'élève de 220 à 250 euros par mois.

On dit souvent que la concurrence avec l'avion ou la route est déloyale. Je pense que le système ferroviaire doit générer sa propre compétitivité. Tel est précisément l'intérêt de l'ouverture à la concurrence. Ne bannissons pas l'avion, ne taxons pas la route trop vite, mais poussons la qualité de service dans le transport ferroviaire.

En désignant Transdev comme attributaire, la région Sud a fait le choix de la qualité. Deux lots étaient soumis à compétition. Notre approche est assez sélective. Nous essayons à chaque fois de saisir les éléments nous permettant d'être au rendez-vous de la pertinence de l'offre, du bon positionnement économique et de la capacité à faire.

Le contrat que nous avons remporté débutera au 1er juillet 2025. Nous sommes en train de construire un nouveau dépôt pour assurer la maintenance et avons commandé à Alstom des trains conçus par Bombardier pour un montant de 250 millions d'euros.

D'autres régions ont ouvert des appels d'offres : le Grand Est, les Hauts-de-France, les Pays de la Loire. La période de la covid n'a pas ralenti les procédures. En revanche les procédures de recours pour avoir davantage d'informations ou de précisions sur le transfert de personnels expliquent en partie le décalage des appels d'offres. Nos équipes sont restées très fortement mobilisées. La Bourgogne-Franche-Comté vient de lancer un appel d'offres sur la totalité de son TER.

Depuis vingt-cinq ans, Transdev croit au rail. Nous le considérons comme l'un des modes les plus vertueux sur le plan écologique. Son incidence sur l'aménagement territorial, sur les problématiques sociales et sociétales, est essentielle. Nous sommes ainsi fiers d'exploiter la ligne Guingamp-Carhaix-Paimpol.

Nous sommes focalisés sur la maîtrise des coûts, notamment dans les centres de maintenance, qui sont l'un des éléments clé de différenciation. L'ouverture à la concurrence ne s'inscrit pas dans une logique de dumping social. Les accords « classifications et rémunérations », finalisés dernièrement par l'Union des transports publics (UTP), sont au contraire particulièrement protecteurs.

À l'image de ce qui s'est passé en Allemagne, nous aurons besoin de former davantage de conducteurs puisque l'offre augmente et leur rémunération est plus élevée après qu'avant la mise en concurrence.

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