Intervention de Alexandra Debaisieux

Commission de l'aménagement du territoire et du développement durable — Réunion du 9 février 2022 à 8h30
« l'ouverture du secteur ferroviaire quel bilan ? » — Audition avec des nouveaux entrants

Alexandra Debaisieux, directrice générale déléguée de Railcoop :

Vous demandiez, Monsieur le Sénateur Tabarot, si le train a de l'avenir. Chez Railcoop, nous en sommes convaincus. L'engouement suscité par le modèle coopératif le prouve. Fin 2019, nous étions 32 citoyens. Nous comptons à présent 12 000 sociétaires. Il y a un engouement très fort autour du secteur ferroviaire et une attente elle aussi très forte, y compris sur des territoires qui sont insuffisamment desservis. C'est justement le positionnement de Railcoop.

Notre finalité consiste à nous positionner sur des lignes transversales pour lesquelles il n'y a plus ou pas suffisamment de solutions ferroviaires pour permettre des mobilités. Il s'agit d'un vrai enjeu de transition écologique, d'inclusion sociale et d'aménagement du territoire.

S'agissant de la question du financement, le problème ne tient pas précisément au fait que nous n'avons pas le soutien des banques, car le projet avance sereinement. Nous avons ainsi signé le contrat d'acquisition.

Simplement, nous faisons face à une sorte de frilosité du secteur bancaire classique et d'un certain nombre d'investisseurs, car aucun autre acteur ne s'est positionné sur ce marché hormis Trenitalia pour l'open access (je ne prends pas en considération OSLO).

Non seulement Railcoop est une nouvelle entreprise sur un marché qui s'ouvre, mais nous avons en plus adopté une forme coopérative, avec une gouvernance particulière et surtout une redistribution de la valeur produite au service de l'objet social, donc contraire à une logique de rémunération du capital.

Or le secteur est très capitalistique. Ainsi les banques nous manifestent un intérêt réel. Nous discutons longuement avec elles. Mais le problème se pose différemment au moment du passage à l'acte.

Quelles mesures pourraient être adoptées pour changer la donne ? Des garanties pourraient être fournies, non seulement pour l'acquisition de matériel roulant neuf, mais aussi d'occasion.

Si nous avions dû attendre d'acquérir du matériel neuf, nous ne lancerions pas Bordeaux-Lyon cette année, mais pas avant 2026 ou 2027.

Si la puissance publique se positionnait sur ce type d'instruments, ils pourraient être conditionnés à des indicateurs d'impact.

Quand Railcoop rouvre aujourd'hui la ligne Bordeaux-Lyon, les territoires de la Creuse et de l'Allier qui pourraient être desservis par celle-ci expriment une forte attente puisqu'il n'est pas possible d'aller en train de Limoges à Lyon ou de Roanne à Bordeaux.

Pourquoi ne pas envisager des mécanismes qui puissent être conditionnés aux impacts territoriaux, indépendamment bien sûr des impacts environnementaux ?

Une autre solution consisterait à permettre à Railcoop de bénéficier du statut de SIEG (Service d'intérêt économique général). Nous pourrions ainsi accéder à des mécanismes de financement européen qui existent déjà pour le matériel roulant par le biais d'Eurofima qui offre des taux très compétitifs aux opérateurs nationaux.

Or, étant donné que nous sommes sur le service librement organisé, et quand bien même nous pallions l'absence de service public sur ces dessertes, nous ne sommes pas éligibles à ces mécanismes.

S'agissant de l'équité de l'accès, la réutilisation des trains Corail par OSLO soulève effectivement des interrogations. À ma connaissance, ces rames n'avaient pas été mises sur le marché. Si un transfert de propriété est intervenu, il était interne au groupe SNCF.

S'agissant du traitement équitable par le gestionnaire d'infrastructures, nous avons effectivement rencontré quelques difficultés pour obtenir des sillons. Notre service a dû en conséquence être reporté de quelques mois.

Soit nous n'avions pas obtenu de réponses, soit les sillons proposés étaient d'une qualité insuffisante, avec des départs trop tôt, par exemple de Montluçon.

Pour une jeune entreprise comme la nôtre, il n'était pas envisageable d'attendre la dernière minute pour concevoir notre plan de roulement. Nous avons pu engager des discussions assez constructives avec SNCF Réseau, qui a finalement décidé d'ouvrir des postes pour nous. La situation aujourd'hui se stabilise et la relation avec le gestionnaire d'infrastructures passe plutôt bien.

Il a été dit, devant cette commission, que Railcoop n'avait pas bien mené le travail de commande des sillons. Je m'inscris en faux. Nous avions accompli cette tâche environ dix-huit mois avant le lancement du service. La procédure est simplement très chronophage et mobilise beaucoup de ressources. Le processus capacitaire est très lourd.

S'agissant de la question de l'augmentation du coût des sillons, il s'agit pour nous plutôt d'envisager l'investissement en regard du bénéfice attendu.

Cela ne nous pose fondamentalement pas de problème de payer davantage pour une qualité de service supérieure, avec une vitesse de circulation accrue, plus d'ouvertures de postes, etc.

Vous évoquiez également la question de l'électrification partielle de nos itinéraires. Nous avons effectivement notifié beaucoup de lignes à l'ART. Elles ont été définies par nos sociétaires et approuvées par notre conseil d'administration après avoir tenu compte d'une série de critères.

Nous nous sommes notamment intéressés aux dynamiques démographiques, aux connexions avec des véloroutes, à la complémentarité avec le service public, notamment les TER et les TET.

Il nous semblait important de notifier d'ores et déjà ces lignes, même si nous ne les exploiterons pas dans l'immédiat. Tout dépendra de notre trajectoire financière et de notre capacité à accéder à du matériel roulant.

Pour répondre à votre question, l'infrastructure est donc bien électrifiée à certains endroits et pas à d'autres, ce qui nous contraint à utiliser des automoteurs. Tel est le cas sur la ligne Bordeaux-Lyon. Ce n'est pas idéal d'un point de vue environnemental. Cela étant, le transport de voyageurs par le train présente quand même un avantage en termes d'émissions de gaz à effet de serre.

Nous sommes confrontés à des enjeux de décarbonation, d'usage de biocarburants et de remotorisation.

La question reste encore une fois celle de la disponibilité de l'équipement pour les nouveaux opérateurs, notamment de matériel roulant moins carboné.

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