sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration, à la direction générale des entreprises au ministère de l'Économie et des Finances. - En tant que sous-directeur du commerce, de l'artisanat et de la restauration, je suis commissaire du gouvernement à la commission nationale d'aménagement du commerce (CNAC). À ce titre, j'ai assisté aux « Assises du commerce » qui ont rassemblé des centaines de commerçants au ministère, en décembre dernier, et je vous propose ici un bilan du point de vue des professionnels.
Premier constat, celui d'un surinvestissement dans les surfaces commerciales, la croissance du chiffre d'affaires ne couvrant pas celle des mètres carrés. Le développement de la part de marché du e-commerce est indéniable, et les secteurs à faible marge de la transition numérique et écologique font l'objet d'investissements colossaux, notamment dans le cadre du secteur tertiaire.
Deuxièmement, la perception d'une inéquité économique et sociale entre le commerce physique et le e-commerce. Le sujet n'est plus celui de la TVA : pour tous, il a été traité. Le sujet n'est pas l'imposition des bénéfices : aucun commerçant ne l'a évoqué. Le débat fiscal porte désormais sur les taxes foncières, plus élevées en centre-ville qu'en périphérie, et notamment, sur la taxe sur les surfaces commerciales (TaSCom), qui ne s'applique pas aux entrepôts. Comparativement, les taxes foncières pèsent donc davantage sur la valeur ajoutée du commerce physique que sur celle du commerce électronique. Mais comme le e-commerce emploie davantage de monde, il paye plus de charges sociales, si bien qu'au final, la distorsion fiscale se réduit.
Quant à l'inéquité sociale, elle est patente quand un e-commerce peut fonctionner 24h/24 et 7 jours sur 7, mais elle est loin de concerner tout le territoire.
Un constat : c'est toujours le consommateur qui est aux commandes, et son premier critère est le prix. Le hard discount, alimentaire ou autre, en profite, avec des acteurs comme Lidl, Action, Primark, etc. Cet état de fait a contribué à la désindustrialisation, puisque, pour quelques centimes, des filières entières ont été délocalisées dans des pays à bas coûts. La question, pour les commerçants, est celle de leur capacité à faire face aux nouveaux entrants et autres start up, particulièrement en termes d'investissement.
Sur tous ces constats, j'apporterai cependant quelques nuances.
Tout d'abord, la dynamique globale ne concerne pas tous les territoires, car certains font face à une sous-densité commerciale. En outre, l'opposition entre le centre-ville et la périphérie n'est pas aussi nette sur le terrain que du point de vue de l'administration centrale. Dans les auditions de la CNAC, les élus locaux défendent des projets à la périphérie qui, disent-ils, vont freiner l'évasion commerciale vers l'hypermarché d'une autre commune et, ce faisant, renforcer le centre-ville. Enfin, il faut se garder d'opposer le commerce physique au e-commerce : ce qui était vrai il y a quelques années avec la naissance d'Amazon, seul pure player contre tous, ne l'est plus aujourd'hui. Tous les commerçants, du plus petit au plus gros, se numérisent - certes, avec plus de difficulté pour les petits -, si bien qu'entre les deux, où se situe le coeur du commerce à la française (les Fnac, Darty, Décathlon...), puisque les mêmes acteurs se déploient de façon complémentaire sur les deux versants, numérique et physique ?