Intervention de Olivier Cadic

Réunion du 15 février 2022 à 14h30
Sécurité de la coupe du monde de football de 2022 au qatar — Adoption en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Olivier CadicOlivier Cadic :

Vous l’avez compris, cet événement va engendrer des flux considérables et une très forte concentration de personnes sur les différents sites. Il va mettre le Qatar face à de nouvelles questions de sécurité : gestion de la menace terroriste, hooliganisme, mouvements de foule, cyberattaques… Le Qatar sera également confronté à certaines problématiques que, pour des raisons culturelles, il n’est pas habitué à gérer : contrefaçon, consommation d’alcool, actions d’organisations contestataires…

Pour relever ces défis, le Qatar a cherché, dès sa désignation en 2010, à développer des partenariats avec différents États avec lesquels il était déjà lié, dont la France.

En effet, la France et le Qatar ont développé une forte coopération bilatérale en matière de sécurité et de défense. Le Qatar est le deuxième partenaire opérationnel de la France dans le Golfe, après les Émirats arabes unis.

Cette coopération a été renforcée par la signature de contrats majeurs, comme en témoigne l’achat récent de trente-six Rafale.

Le Qatar est également, ces dernières années, un partenaire stratégique, tant au niveau français qu’au niveau international, en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation.

Sur le plan bilatéral, Le Président de la République et l’émir du Qatar ont signé le 7 décembre 2017 une lettre d’intention visant à renforcer la coopération bilatérale en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation. Cette coopération a été confortée par la mise en place d’un dialogue stratégique, en février 2019.

L’émirat joue un rôle actif au sein de la Coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un soutien logistique important en mettant à disposition la base militaire d’Al-Udeid et en fournissant un appui logistique à la force conjointe du G5 Sahel.

De surcroît, le Qatar et l’Organisation des Nations unies ont récemment signé un accord portant sur l’ouverture à Doha d’un bureau du programme des Nations unies pour la lutte contre le terrorisme.

Force est de constater que le Qatar, en parallèle de son implication dans la lutte contre le terrorisme, a réalisé d’importantes réformes en faveur des conditions de travail des immigrés. Il est en effet le premier État de la région à avoir abrogé, en 2016, le système de la kafala, qui oblige l’expatrié à dépendre d’un « parrain », souvent qualifié de « sponsor », qui peut être une personne physique ou morale.

Le Qatar est aussi le premier État de la région à avoir instauré un salaire minimum pour les travailleurs expatriés non qualifiés. Le texte législatif afférent, adopté en août 2020, est entré en vigueur en mars 2021. Ces efforts doivent néanmoins être poursuivis.

Le rapport de l’Organisation internationale du travail publié en novembre dernier conclut à un nombre trop important d’accidents du travail, dont certains se sont avérés mortels, sur les chantiers de la Coupe du monde. Dans ce rapport, élaboré en collaboration avec les institutions qatariennes, sont identifiées des lacunes dans la collecte des données ; ses auteurs recommandent la mise en place d’une plateforme nationale qui permettrait une meilleure indemnisation des victimes et de leurs familles.

La peine de mort, toujours en vigueur au Qatar, continue d’être prononcée, mais le pays applique depuis 2003 un moratoire sur les exécutions, si l’on met à part le cas de l’exécution d’un ressortissant népalais, condamné à mort pour meurtre, en 2020.

La coopération bilatérale entre la France et le Qatar en matière de gestion des grands événements sportifs existe depuis les jeux Asiatiques de 2006, qui furent le premier grand événement sportif accueilli par l’émirat.

Elle s’est poursuivie lors des championnats du monde de handball en 2015, de cyclisme en 2016, d’athlétisme en 2019, et à l’occasion de la Coupe arabe des nations de football de 2021.

Concernant la Coupe du monde de football de 2022, le partenariat projeté est plus ambitieux que ce qui a été réalisé jusqu’à présent ; d’où le souhait d’une formalisation juridique plus aboutie, c’est-à-dire d’un cadre sécurisant le déploiement d’un volume important d’experts sur le terrain.

Cet accord peut se définir comme une offre de services de la part de la France, de nature à couvrir l’ensemble du spectre des besoins de sécurité inhérents à l’organisation d’un grand événement sportif.

Sa mise en œuvre pourra s’appuyer sur les grandes directions opérationnelles du ministère de l’intérieur, gendarmes, policiers, pompiers, pour des missions de conseil et d’accompagnement, voire pour un appui opérationnel au partenaire qatarien.

La partie qatarienne doit, à brève échéance, formuler plus précisément ses besoins, en fonction desquels l’offre de coopération française sera modulée.

L’accord prévoit que les actions de coopération seront essentiellement financées par la partie qatarienne.

Il prévoit également des garanties fortes au bénéfice des agents français du ministère de l’intérieur qui se rendraient sur le territoire qatarien aux fins de la mise en œuvre du présent accord.

Ainsi bénéficieront-ils des garanties relatives au droit à un procès équitable au sens de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales (CESDH) du 4 novembre 1950 et du Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 16 décembre 1966.

En outre, l’accord organise une protection contre l’application de la peine capitale ou d’autres traitements inhumains et dégradants au sens de l’article 3 de la CESDH.

Ces dispositions offriront une parfaite sécurité juridique aux agents français du ministère de l’intérieur qui participeront aux activités de coopération mises en œuvre en vue de la Coupe du monde de football de 2022 et durant l’événement, à l’instar des garanties offertes aux agents du ministère de la défense via l’accord bilatéral relatif au statut des forces, qui a été présenté à la commission des affaires étrangères du Sénat la semaine dernière.

Notons toutefois que, contrairement à ce dernier, le présent accord prendra fin le 30 juin 2023.

En outre, une telle conclusion est à replacer dans son contexte économique : les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent des opportunités importantes à nos entreprises, dans de nombreux secteurs d’activité.

Ce partenariat est aussi l’occasion de nous préparer à l’accueil et à la sécurisation de la Coupe du monde de rugby, en 2023, et des jeux Olympiques, en 2024.

Les autorités qatariennes n’ont à ce jour pas notifié à la France l’accomplissement des procédures nationales requises pour l’entrée en vigueur de l’accord, qui sera examiné par l’Assemblée nationale à la reprise des travaux parlementaires.

Notre commission s’est montrée majoritairement favorable à l’adoption de ce projet de loi, dont le Sénat est saisi en premier.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion