Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, j’aimerais tout d’abord tracer les contours des relations qu’entretient la France avec le Qatar.
Pour anciennes qu’elles soient, elles ont pris un véritable essor au début des années 1990, et ce dans les domaines de la sécurité et des hydrocarbures. La volonté qatarienne de diversifier l’économie du pays et de réduire sa dépendance à la rente gazière a ensuite permis d’élargir le spectre de nos coopérations à de nombreux secteurs, qu’il s’agisse du domaine économique, de la culture ou de l’éducation.
La coopération de sécurité et de défense entre nos États constitue un pilier essentiel de cette relation bilatérale. La visite effectuée par le Président de la République le 7 décembre 2017 s’est ainsi assortie de la signature d’accords majeurs, dont une déclaration d’intention relative à la lutte contre le terrorisme et le blanchiment.
Par la suite, le 11 février 2019, lors de la visite du ministre de l’Europe et des affaires étrangères à Doha, nos deux gouvernements ont signé une déclaration d’intention relative à la mise en place d’un dialogue stratégique, afin de renforcer notre partenariat dans tous les domaines et de permettre un suivi technique de ses principales réalisations.
Quelles sont les finalités du présent accord et quelles en seront les conséquences ? Il faut bien mesurer qu’il s’agit là du premier accord instaurant un instrument juridiquement contraignant conclu entre nos deux États dans le domaine de la sécurité intérieure. Se trouve créé, par là même, un cadre de coopération que les parties pourront décliner en fonction des besoins capacitaires qui seront identifiés.
Par le biais du présent accord, la France porte l’ambition d’aider le Qatar, pays classé parmi les plus sûrs au monde et donc peu préparé aux débordements susceptibles de se produire pendant la Coupe du monde, à gérer dans les meilleures conditions un événement aussi sensible que complexe.
Plus largement, les enjeux économiques et commerciaux liés à la Coupe du monde de football, estimés à 200 milliards de dollars, offrent à nos entreprises d’importantes possibilités, dans de nombreux secteurs d’activité.
De surcroît, cet accord concourt à dynamiser notre coopération policière bilatérale autour d’un projet structurant d’accompagnement de l’organisation d’un événement sportif mondial. À cet égard, il est susceptible de constituer une vitrine permettant de valoriser les compétences de nos services et de faire rayonner nos pôles d’expertise.
En même temps, il nous importe de prendre absolument conscience de la condition sociale des migrants travaillant sur les chantiers liés à la Coupe du monde. Si, en 2017, le Qatar a mené un certain nombre de réformes positives, les lois ainsi votées ne sont que trop peu appliquées, sinon pas du tout. L’émirat a, par exemple, adopté des lois facilitant l’accès des travailleurs à la justice et instaurant un salaire minimum.
Reste que la condition sociale des travailleurs migrants n’est pas le seul objet de vigilance. D’autres sujets doivent compter au nombre de nos préoccupations, au premier rang desquels les droits des femmes et la liberté d’expression.
Ainsi, il convient pour la France et son gouvernement d’user de toute son influence et de tous les leviers possibles pour permettre une meilleure prise en compte de ces points.
Nous voterons cet accord pour trois raisons.
Premièrement, ces dispositions offriront une sécurité juridique nécessaire aux agents français du ministère de l’intérieur qui participeront aux activités de coopération mises en œuvre avant et durant l’événement.
Deuxièmement, l’accord favorise la sécurisation de la région moyen-orientale.
Troisièmement, il permet de mettre en valeur le savoir-faire français et constitue, en cela, un levier d’influence.
Le Qatar s’est révélé être un partenaire stratégique essentiel en matière de lutte contre le terrorisme et la radicalisation au cours des dernières années, tant au niveau de la France qu’au niveau international.
L’Émirat joue un rôle actif au sein de la coalition internationale contre Daech, à laquelle il apporte notamment un solide soutien logistique en mettant à disposition la base militaire d’Al-Udeid et en fournissant un appui à la force conjointe du G5 Sahel.
Parallèlement à son implication dans la lutte contre le terrorisme, il faut accompagner le pays dans les importantes réformes en faveur des droits et de la condition sociale des travailleurs étrangers.
Assurément, l’accord contribuera à stabiliser notre partenariat à un niveau très élevé, dans un contexte plus concurrentiel que par le passé. En effet, il faut bien voir que si les autorités qatariennes continuent de s’appuyer sur des coopérations historiques, avec les États-Unis, la France, le Royaume-Uni, elles établissent également de nouveaux partenariats, notamment avec l’Allemagne, l’Italie, la Turquie, afin de profiter du savoir-faire de plus grand nombre à l’approche de la Coupe du monde.
Pour toutes ces raisons, il nous paraît important d’approuver cet accord.