Intervention de Dany Wattebled

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Démocratisation du sport — Discussion générale

Photo de Dany WattebledDany Wattebled :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la commission mixte paritaire, réunie sur la proposition de loi visant à démocratiser le sport en France, a échoué pour trois raisons que l’on pourrait résumer ainsi : parité, limitation des mandats, laïcité.

En première lecture, j’ai voté en faveur de la recherche de parité, dès 2024, dans les instances dirigeantes des fédérations. J’ai voté contre la limitation du nombre des mandats des présidents de fédération. Enfin, j’ai voté pour l’interdiction du port de signes religieux ostentatoires lors des compétitions sportives.

Je considère aujourd’hui que nous devons clarifier ce flou juridique qui oblige les fédérations à décider par elles-mêmes de l’autorisation ou de l’interdiction de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions.

Madame la ministre, je vous invite à consulter le rapport fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre. Comment peut-on, d’un côté, prôner la laïcité et, de l’autre, accepter des signes religieux dans la pratique ?

À l’heure où nous parlons, de nombreux clubs sont des lieux de prosélytisme et de radicalisation. Le sport n’a pas vocation à devenir le théâtre de l’affaiblissement des valeurs de la République, il doit au contraire être le creuset de l’intégration républicaine au travers des valeurs qu’il porte, et ce dès le plus jeune âge.

J’appelle de nouveau votre attention – comme je l’ai fait en première lecture – sur la création de sociétés commerciales par les ligues professionnelles.

Actuellement, un processus de vente d’un bien public, qui va définir l’avenir du sport français, est enclenché dans la plus grande opacité. Dès le mois d’octobre, un appel d’offres – et non une simple consultation – a été lancé afin de faire entrer un fonds d’investissement dans le secteur du football français. La boîte de Pandore s’ouvre…

Le projet consiste à créer une société commerciale qui serait propriétaire des droits commerciaux du football professionnel français. L’argent récolté par cette vente serait distribué à la société commerciale, mais surtout aux clubs de ligue 1 et de ligue 2.

Le fonds d’investissement qui sera choisi paierait 1, 5 milliard d’euros, non pas chaque année, mais une seule fois. Il posséderait 10 % de cette société et récupérerait annuellement 10 % des revenus du football professionnel français. Ce fonds serait libre de revendre sa participation quand et à qui il voudra : Saoudiens, Américains, Chinois, Qataris…

Un engagement d’une cinquantaine d’années a minima sera discuté. Il s’agit aujourd’hui de verser à une société privée des dividendes de l’ordre de 80 millions d’euros par an sur une durée de cinquante ans. Cela représente tout de même 4 milliards d’euros de dividendes, sans compter la plus-value qui sera réalisée lors de la revente du fonds !

À ce jour, il est important que nous puissions connaître – nous devons prendre le temps nécessaire – les contours de ce que deviendra, demain, ce bien national.

La Fédération française de football (FFF), qui n’aurait qu’une voix consultative, et les clubs, qui seront directement concernés, sont en droit d’être informés, au même titre que nos concitoyens.

Pour des questions de conflit d’intérêts, nous devons veiller à ce que les donneurs d’ordre de la Ligue de football professionnel (LFP) ne soient pas également à la tête de cette société.

La plupart des clubs sont aujourd’hui endettés, si bien qu’une grande partie de l’argent injecté ne financera pas des projets de développement, mais ira au remboursement de dettes, détenues, pour certains clubs, en grande partie par des fonds étrangers.

Dès lors, comment nous assurer que les intérêts des investisseurs privés n’effaceront pas les intérêts de la Ligue et que la manne créée par l’exploitation commerciale de ces droits bénéficiera, ce dont je doute, à l’ensemble de la filière, en particulier au sport amateur et au sport scolaire ?

Globalement très déçu par le contenu de ce texte en dépit de ses quelques apports, je voterai en faveur de la motion tendant à opposer la question préalable déposée par la commission de la culture.

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