Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du 16 février 2022 à 15h00
Démocratisation du sport — Discussion générale

Photo de Stéphane PiednoirStéphane Piednoir :

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, après avoir si longuement attendu un texte consacré au sport durant ce quinquennat, nous ne pouvions qu’accueillir favorablement cette proposition de loi visant à démocratiser le sport en France.

Toutefois, dans le sport comme dans tout autre domaine, les déceptions sont généralement à la hauteur des espoirs suscités…

Dès la première lecture, nous faisions le constat d’un texte d’intention là où nous attendions, à deux ans des jeux Olympiques et Paralympiques de Paris, un texte d’ambition.

Ne se résignant pas à un texte en demi-teinte éloigné des attentes du milieu sportif, le Sénat a fait des propositions et considérablement enrichi le texte. Sur ce point, je tiens à saluer l’ensemble des avancées qu’il a permises, tout particulièrement le travail et l’expertise de notre rapporteur Michel Savin, fin connaisseur du monde du sport, contrairement à ce que j’ai pu entendre par ailleurs.

La proposition de loi issue de nos travaux répondait sans nul doute davantage, par ses dispositions, aux enjeux auxquels doit faire face le sport français, amateur comme professionnel.

Je n’en citerai que quelques-unes : renforcement des mesures de lutte contre toutes les violences dans les stades – homophobie notamment –, renforcement du sport en entreprise, soutien aux sportifs de haut niveau.

Je pense surtout à l’introduction de plusieurs mesures relatives à la pratique sportive universitaire, totalement absente du texte initial – vous savez combien cette question me tient à cœur. Figurent notamment la promotion et développement du sport-santé dans les missions de service public de l’enseignement supérieur, la possibilité pour les acteurs de l’enseignement supérieur d’être associés aux conférences régionales du sport et aux plans sportifs locaux, enfin, l’élargissement de l’accès aux locaux et équipements sportifs à l’ensemble des établissements d’enseignement supérieur.

Ces avancées sénatoriales ont d’ailleurs été très largement saluées en commission mixte paritaire. Nous connaissons tous la disposition sur laquelle un consensus n’a pas été possible : il s’agit de celle qui interdit le port de tout signe religieux ostentatoire lors des compétitions sportives organisées par des fédérations.

Après la fermeté affichée par le Président de la République dans son discours des Mureaux, la majorité présidentielle fait ce qu’elle affectionne le plus : la politique du zigzag.

Lutter contre le séparatisme dans notre pays nécessite davantage qu’un volontarisme de façade. Il faut du courage pour traduire en actes une stratégie vraiment efficace.

Madame la ministre, depuis l’examen du projet de loi confortant le respect des principes de la République, nous savons que, jusqu’au cœur de l’exécutif, la majorité La République en Marche est gênée par le sujet. Elle est même fracturée par un « en même temps », qui a tout simplement comme conséquence l’affaiblissement de la République.

Ainsi, la députée Aurore Bergé partageait récemment notre constat, déclarant que la religion n’avait pas sa place sur un terrain de sport. En revanche, les propos récents de la ministre déléguée à l’égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l’égalité des chances sont un pas de plus vers le renoncement et la complaisance à l’égard de l’islam politique et de tout ce qu’il représente en termes de liberté des femmes.

Pourtant, l’entrisme de l’islamisme dans le monde du sport est largement documenté, comme en atteste le rapport de notre collègue, Jacqueline Eustache-Brinio, fait au nom de la commission d’enquête sur les réponses apportées par les autorités publiques au développement de la radicalisation islamiste et les moyens de la combattre.

Dès lors, il nous a semblé urgent que, comme en 2004, le législateur prenne ses responsabilités et, pour lutter contre une idéologie, oppose autre chose que la signature de la charte d’engagement républicain.

Puisque cela semble nécessaire, je rappelle les raisons profondes pour lesquelles nous maintenons que cette mesure est non seulement nécessaire, mais qu’elle avait toute sa place dans ce texte qui a pour objectif, soulignons-le, la démocratisation du sport.

D’abord, cette mesure s’appuie sur la règle 50 de la Charte olympique, qui prévoit la neutralité politique, religieuse, raciale et syndicale dans le sport. On ne peut pas transiger avec la laïcité et la France ne saurait être moins-disante que le mouvement olympique !

Ensuite, il est urgent de sécuriser pleinement les acteurs du mouvement sportif et les élus locaux, qui sont souvent désemparés face à ces dérives, faute de règles juridiques claires et opérantes.

Enfin, le but est de permettre à toutes les femmes de participer aux compétitions sportives, sans différenciation, sans aucun signe de discrimination, sans aucune forme de sexisme lié à ce voile, qui est – nous le savons – un outil politique.

Nous ne pouvons qu’être déçus du texte présenté en nouvelle lecture au Sénat. Il a été totalement dénaturé par les députés en Marche, qui ont cruellement manqué de bon sens dans leurs travaux.

De notre côté, nous sommes fiers d’avoir défendu au Sénat nos convictions et notre ambition, là où, madame la ministre, vous n’avez fait ni l’un ni l’autre.

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