Intervention de François Séners

Commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d'administration générale — Réunion du 23 février 2022 à 8h30
Audition de M. François Séners candidat proposé par le président du sénat pour siéger au conseil constitutionnel

François Séners, candidat proposé par le Président du Sénat pour siéger au Conseil constitutionnel :

Concernant la nature législative des ordonnances non ratifiées, la jurisprudence du Conseil constitutionnel me semble paradoxale. L'intention première du Conseil me semble éminemment louable, étant donné l'inflation des ordonnances et le faible taux de ratification. Partant de ce constat, le Conseil a estimé légitime d'exercer un contrôle, au titre de la QPC, de ces trop nombreuses ordonnances non ratifiées.

Cependant, le premier paradoxe est de découvrir, au bout de soixante ans de consensus, que ces ordonnances non ratifiées sont de nature législative. Voilà une première surprise.

Le deuxième paradoxe est qu'une percée conceptuelle d'une juridiction repose en principe sur un risque de déni de justice. Il est difficile d'imaginer que ce risque ait existé, car ces actes pouvaient bien être jugés par un juge.

Le troisième paradoxe, fondamental, est que le souhait de consolider la nature législative de ces ordonnances conduit à affaiblir la loi. Les ordonnances non ratifiées sont de nature réglementaire, comme en dispose la Constitution, et il ne peut en être autrement, au nom des principes démocratiques. L'élaboration de la loi peut être temporairement confiée au pouvoir exécutif - c'est le sens de l'article 38 de la Constitution - pour une durée déterminée, et sous réserve de la ratification par le Parlement de ce qui est produit. Le texte est clair. Ce qui n'est pas ratifié ne peut devenir législatif et reste évidemment réglementaire.

Cette jurisprudence me semble donc audacieuse. L'intention est louable, mais le résultat est perturbant.

Concernant les cavaliers, dont les censures augmentent, je serais moins catégorique. L'intention est tout aussi louable. Le Conseil constitutionnel a fait émerger un objectif de valeur constitutionnelle d'intelligibilité de la loi. Outre la réforme de 2008, qui assouplissait les conditions de dépôt des amendements en première lecture, l'idée que la loi ne soit pas un fourre-tout me semble légitime. Le balancier est-il allé trop loin ? Les assemblées ont une responsabilité en la matière, car elles assurent elles-mêmes le contrôle de la recevabilité des amendements. Le constituant devra peut-être revenir sur cette question.

En cas d'acceptation d'un amendement à l'Assemblée nationale, retoqué au Sénat au nom de l'article 45 de la Constitution, je vous ferai une réponse qui n'est pas une réponse de Normand...

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