Je vais vous présenter notre bilan des actions menées en faveur de l'école inclusive, d'une part, et du primaire d'autre part.
Le Gouvernement avait souhaité faire du handicap l'une des grandes causes nationales du quinquennat, avec notamment la création d'un service public de l'école inclusive pour la rentrée 2019.
Cette volonté politique forte s'est traduite par des moyens budgétaires conséquents : les crédits dédiés à l'école inclusive ont bondi de plus de 65 % sur l'ensemble du quinquennat. Le nombre d'AESH a pour sa part progressé de 33 % sur la même période. Néanmoins, malgré ces efforts importants, toutes les notifications des MDPH ne peuvent pas encore être satisfaites. À Paris, en 2020-2021, il a manqué 300 AESH pour répondre à l'ensemble des besoins.
On constate une réorganisation systémique de l'école inclusive avec les pôles inclusifs d'accompagnement localisés (PIAL). Selon les informations transmises par le ministère, ceux-ci couvrent désormais l'intégralité du territoire national.
Les PIAL sont principalement un outil de gestion des ressources humaines, afin de répondre le plus rapidement possible aux besoins d'accompagnement nouveaux, ou en cas d'absence d'un AESH par exemple. D'ailleurs, certains PIAL ont fait le choix de proposer une formation généraliste portant sur tous les niveaux scolaires et les différents types de handicap, afin de faciliter les substitutions en cas d'absence.
Quel premier bilan en tirer ? Pour les familles, les PIAL doivent permettre d'éviter les risques de rupture dans l'accompagnement de leurs enfants. Il n'existe pour l'instant pas de bilan exhaustif. Un point positif, issu du terrain peut être souligné : le coordinateur du PIAL des Pyrénées-Atlantiques nous a indiqué avoir reçu beaucoup moins d'appels à la cellule « école inclusive » de la part des familles, depuis la mise en place du PIAL. Par ailleurs, l'enfant semble être moins la variable d'ajustement de l'emploi du temps des AESH qu'auparavant, grâce à la mutualisation. Il faut savoir qu'une notification n'indique pas un nombre d'heures d'accompagnement, mais des activités ou des moments de la journée pour lesquels un accompagnement est nécessaire.
Dans les faits, auparavant, l'enfant bénéficiait d'un accompagnement lorsqu'il y avait un « trou » dans l'emploi du temps de l'AESH. Or, cela pouvait correspondre à un moment où il n'en avait pas forcément besoin. La mutualisation entre plusieurs élèves doit allonger la durée de la présence physique d'un AESH dans une classe et donc permettre de répondre au besoin d'accompagnement de l'élève pour une activité particulière.
Du point de vue des AESH, le premier bilan est différent. La mise en place des PIAL a conduit à une évolution de leurs métiers, perçue dans certains cas comme une amélioration, mais dans d'autres cas comme une dégradation. Le nombre d'élèves ou de classes à suivre a en effet augmenté. Dans la Drôme, un AESH accompagne en moyenne 4,15 élèves. Mais dans le même temps, le PIAL a permis d'uniformiser les quotités de travail par défaut et souvent de les augmenter.
Nous avons entendu avec intérêt des initiatives de PIAL prenant des engagements moraux en termes de temps de trajet entre les différents établissements d'affectation des AESH, ou encore l'organisation de réunions de pré-rentrée réunissant l'ensemble des AESH afin de connaître leur souhait d'affectation. Ces initiatives sont à saluer et à généraliser.
Les conditions de recrutement des AESH ont également été améliorées : ils sont désormais recrutés en CDD renouvelable une fois pouvant se transformer en CDI, leur rémunération a été légèrement augmentée, et une formation initiale de 60 heures est désormais prévue. Néanmoins, leur situation reste précaire : un AESH qui accompagne toute la semaine un élève de primaire ne peut avoir un temps plein, car la semaine d'école est de 24 heures. Pour cette quotité de travail, un AESH va percevoir en moyenne 978 euros mensuels bruts.
Nous proposons d'améliorer la rémunération des AESH. Cela pourrait prendre la forme d'une modification des modalités de calcul de la rémunération, actuellement calculée sur 41 semaines. Leurs perspectives de parcours et de carrière doivent également être améliorées. Par ailleurs, leur formation continue doit être renforcée en partant de leurs besoins.
L'inclusion des enfants en situation de handicap doit se poursuivre. Cela passe tout d'abord par une réflexion sur le temps périscolaire. À cet égard, un arrêt du Conseil d'État de novembre 2020 a rappelé le partage de responsabilité et de financement des AESH entre l'État et les collectivités : à l'État le temps scolaire, et aux collectivités le temps périscolaire.
Il est néanmoins regrettable que dans de nombreux territoires, cette décision ait été mise en oeuvre de manière brutale, sans concertation, mettant en difficulté les communes et par répercussion les élèves et leurs familles.
Nous préconisons un recours plus important à la mise à disposition des AESH par l'État. Cette solution présente l'avantage pour la collectivité territoriale et l'AESH d'avoir un contrat et un employeur unique, les aspects administratifs étant ensuite réglés directement entre l'État et la commune.
Cette meilleure coordination pourrait permettre d'augmenter la quotité de travail des AESH, bien entendu dans le respect du droit du travail.
Enfin, l'école inclusive ne doit pas se limiter à une approche par compensation du handicap au moyen d'un accompagnement humain. Un nombre important de demandes trouve leur origine dans un défaut de formation des personnels ou d'adaptation des conditions d'accueil d'un élève. De nombreuses formations relatives à l'école inclusive ont été annulées ces deux dernières années en raison de la pandémie. Il est urgent de les organiser.
J'en viens à l'école primaire, « priorité des priorités » comme aime à le rappeler le Ministre. Cela s'est fait à travers deux mesures principales : le dédoublement des classes de grande section au CE1 en éducation prioritaire, et la limitation des effectifs à 24 élèves pour ces niveaux hors éducation prioritaire. Le dédoublement des classes en REP et REP + est une réalité qu'il faut reconnaître : 100 % des classes de CP et de CE1 sont dédoublées. Si, le dédoublement des classes de grande section est en cours et devrait s'achever à la rentrée 2023, on constate dès cette année une diminution nette du nombre d'élèves par classe de grande section en éducation prioritaire.
Quel premier bilan en tirer ? Certes, on constate quelques effets positifs, notamment pour les élèves en très grande difficulté. Mais le budget conséquent consacré à cette mesure n'a pas permis une inversion franche des difficultés scolaires rencontrées par les élèves de REP et REP +. Au contraire, loin de réduire les écarts entre les élèves scolarisés hors éducation prioritaire et ceux scolarisés en éducation prioritaire, on constate en 2021 l'effet inverse : une augmentation des écarts de performance. Cette hausse est particulièrement significative en français, et sur certains items en mathématiques. La crise sanitaire a sans doute joué un rôle.
Il existe un point d'amélioration notable : le climat de classe. Les enseignants de CP dédoublés se déclarent plus confiants. Il faut cependant noter qu'ils ont pu bénéficier d'une formation spécifique dans le cadre de cette politique de dédoublement.
Cela montre la nécessité d'un effort massif envers une formation continue qui répond directement aux besoins des enseignants. Cette formation doit notamment permettre le développement de nouvelles pédagogies intégrant pleinement cette réduction d'effectifs dans les classes. C'est l'une de nos préconisations.
L'investissement massif en faveur des niveaux allant de la grande section au CE1 nécessite également d'avoir une vigilance particulière pour les classes de CE2. Les élèves d'éducation prioritaire seront confrontés à une augmentation de 6 à 7 élèves par classe à la fin du CE1, ce qui peut être source de perturbation. Nous préconisons des mesures d'accompagnement scolaire pour ces élèves qui auront connu pendant trois ans des classes à effectifs réduits.
Le dédoublement des classes, conjugué au plafonnement des effectifs hors éducation prioritaire, interroge sur les moyens dédiés à ces deux mesures. Le dédoublement et le plafonnement nécessitent 19 300 ETP. Or, sur le quinquennat, seuls un peu plus de 7 000 ETP ont été créés dans le primaire. Il y a donc une différence d'un peu plus de 12 200 ETP entre les besoins exprimés et les moyens créés.
Nous avons interrogé le ministère sur cette différence. Voici ses explications : premièrement, la mise en oeuvre de cette mesure se prolonge au-delà de 2022. Sur le quinquennat, les besoins sont seulement de 15 400 emplois. Par ailleurs, les 7 000 emplois créés ne prennent pas en compte la réforme de la formation initiale. Les enseignants stagiaires exerceront désormais à temps plein et plus à temps partiel. Enfin, il y a un redéploiement d'effectifs, sous l'effet, d'une part de la baisse démographique, et d'autre part de la fin du dispositif « plus de maîtres que de classes ». À cet égard nous regrettons l'absence d'évaluation de ce dispositif.
Nous tenons à souligner que d'autres annonces ministérielles sont consommatrices de moyens : je pense à l'amélioration des temps de décharge des directeurs d'école, que nous appelons tous de nos voeux.
Nous devrons faire preuve d'une vigilance toute particulière pour s'assurer que ces ETP ne soient pas trouvés au détriment des moyens de remplacement - le ministère nous assure que ce ne sera pas le cas - ou encore par des suppressions de poste.