Intervention de Jean-Claude Anglars

Réunion du 22 février 2022 à 15h15
Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés — Vote sur l'ensemble

Photo de Jean-Claude AnglarsJean-Claude Anglars :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, nous voici réunis pour examiner le texte adopté par la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable sur la proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des friches.

Ce texte reprend l’article 102 de la loi du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets, dite loi Climat et résilience ; cet article, introduit au Sénat en première lecture, avait vu sa rédaction modifiée par le compromis trouvé en commission mixte paritaire en juillet 2021, avant d’être censuré par le Conseil constitutionnel.

La présente proposition de loi a été déposée par Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues dans l’objectif de faire enfin aboutir ce dispositif consensuel et équilibré, qui répond à une demande formulée de longue date par les élus du littoral.

La loi du 3 janvier 1986 relative à l’aménagement, la protection et la mise en valeur du littoral, dite loi Littoral, freine actuellement le déploiement de l’énergie photovoltaïque dans de nombreuses communes littorales.

En effet, en application du code de l’urbanisme, « l’extension de l’urbanisation », c’est-à-dire les constructions nouvelles, n’est autorisée sur le territoire de ces communes qu’à proximité des « agglomérations et villages existants ». Si des dérogations à ce principe ont été définies par le législateur, notamment pour les cultures marines et les activités agricoles et forestières, aucune dérogation n’est prévue à ce jour pour les installations nécessaires à la production d’électricité à partir de l’énergie radiative du soleil.

En outre, le juge administratif rappelle, dans une jurisprudence constante, qu’il considère les installations photovoltaïques comme une « extension de l’urbanisation » qui n’est permise, sur le territoire des communes littorales, qu’en continuité avec les constructions existantes.

De nombreuses communes littorales souhaitant installer des panneaux solaires à distance des habitations, afin de favoriser leur acceptabilité sociale, se trouvent donc dans une impasse juridique.

Tel est le cas de la commune de L’Île-d’Yeu, dans laquelle je me suis rendue le 3 février dernier avec Didier Mandelli : elle porte depuis près de dix ans un projet de parc photovoltaïque qui permettrait d’accroître son autonomie énergétique. L’implantation de ce parc est envisagée dans une ancienne décharge, afin de ne pas empiéter sur des surfaces naturelles. Le projet se heurte toutefois à des freins juridiques, notamment du fait de la loi Littoral.

À l’heure où la France affirme ses ambitions en matière de transition énergétique, cette situation, que connaissent de nombreux territoires, n’est pas satisfaisante.

Rappelons que la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour une croissance verte a prévu de porter à 40 % la part des énergies renouvelables dans notre production d’électricité d’ici à 2030. Par ailleurs, la loi Climat et résilience a prévu la déclinaison de ces objectifs à l’échelle régionale, afin d’ancrer la transition énergétique au niveau local.

Il est donc essentiel de permettre à tous les territoires, y compris les territoires littoraux, d’exploiter leur potentiel de production d’énergies renouvelables.

Cette problématique est accentuée dans les régions insulaires, souvent fortement dépendantes d’énergies fossiles importées du continent, dont l’approvisionnement peut être instable et le coût élevé. À cette difficulté s’ajoutent des contraintes urbanistiques fortes liées à la géographie des îles : les communes littorales s’y étendent parfois loin dans les terres et à distance du rivage, en particulier dans les outre-mer.

Conscient de la nécessité d’un assouplissement de la loi, dès 2015, le législateur a autorisé l’implantation d’éoliennes à distance des villes et villages en zone littorale, en métropole comme en outre-mer.

L’article unique de cette proposition de loi vise à étendre cette possibilité aux installations photovoltaïques. Afin de ne pas accroître l’occupation des sols, il est toutefois prévu que cette dérogation ne s’applique qu’à des friches, c’est-à-dire à des sites qui ne sont plus exploités, dont la liste sera fixée par décret.

Cette dérogation est encadrée de manière stricte afin de garantir la protection des milieux littoraux : d’une part, les projets seront autorisés au cas par cas par l’autorité compétente de l’État, sur la base d’une étude d’incidence démontrant notamment que le projet ne porte pas atteinte à l’environnement ou aux paysages ; d’autre part, la commission départementale de la nature, des paysages et des sites sera consultée avant toute autorisation.

En commission, nous avons encore renforcé les garde-fous, en prévoyant la consultation du Conservatoire du littoral pour l’établissement de la liste des friches concernées et en précisant le champ de l’étude d’incidence environnementale qui sera remise par le maître d’ouvrage.

Le recensement des friches n’a pas encore débuté, mais une vingtaine de sites pourraient être concernés.

Vous l’aurez compris, notre commission approuve pleinement ce dispositif qui aidera les communes littorales à s’engager dans une démarche de transition écologique et à participer à l’effort collectif en faveur des énergies renouvelables.

J’ai conscience que l’objet de ce texte est très circonscrit et que certains d’entre vous, mes chers collègues, auraient souhaité aller plus loin pour favoriser le déploiement des activités favorables à la transition écologique en zone littorale. Je pense toutefois que nous devons considérer ce texte comme une première étape dont nous pouvons nous satisfaire aujourd’hui.

Il importe à présent que cette proposition de loi aille au terme de la navette parlementaire.

Malheureusement, ce texte ne sera pas inscrit à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale avant la suspension des travaux parlementaires. Je le regrette d’autant plus que cette proposition de loi satisfait à la fois le Gouvernement, les députés et les acteurs de terrain ; son adoption définitive par le Parlement d’ici à la fin du mois aurait donc probablement été une simple formalité. Même si le calendrier parlementaire est très contraint en cette fin de législature, il me semble qu’un examen « éclair » à l’Assemblée nationale aurait été possible, à condition bien sûr de faire preuve de volontarisme politique et d’engager la procédure accélérée.

En tout état de cause, on peut espérer que la prochaine législature nous permette enfin d’aboutir sur ce sujet et de concrétiser l’évolution de bon sens que nous proposons.

Vous l’aurez compris, madame la secrétaire d’État, il s’agit de mettre nos actes en cohérence avec nos ambitions en matière de transition énergétique et de permettre à l’énergie photovoltaïque de trouver sa place dans les communes littorales.

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