Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, vous examinez aujourd’hui la proposition de loi visant à permettre l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés. Je tiens à remercier M. Mandelli d’avoir pris l’initiative de ce texte, car nous avons tous à cœur – les discussions que nous avons eues au sein du calendrier législatif de ces derniers mois l’ont montré – de trouver des occasions de développement de l’énergie photovoltaïque, dans le respect des équilibres et de la loi Littoral.
L’article unique de cette proposition de loi reprend une mesure qui figurait à l’article 102 de la loi Climat et résilience, introduit dans le texte par l’adoption d’un amendement de M. Mandelli. Cet article avait été censuré par le Conseil constitutionnel au motif qu’il s’agissait d’un cavalier législatif ; le présent texte permettra de surmonter cette difficulté.
Son objet est d’apporter une dérogation à la loi du 3 janvier 1986, dite loi Littoral, une loi historique qui concerne plus de 1 200 communes proches de la mer, de grands lacs, d’estuaires ou de deltas, et à laquelle le Gouvernement, comme beaucoup de parlementaires, est très attaché.
Toute dérogation à cette loi devait donc être soigneusement soupesée, étudiée et évaluée dans toutes ses implications et ses incidences ; c’est bien ce qui a été fait, me semble-t-il, dans le cadre des réflexions ayant abouti à ce texte, dont la rédaction obéit à ce devoir de prudence et dont l’objet est tout à fait souhaitable à plusieurs égards.
En effet, le déploiement des énergies renouvelables est absolument nécessaire aujourd’hui ; cet impératif nous invite à examiner toutes les possibilités d’implantation de tels équipements.
Si nous souhaitons sortir des énergies fossiles et renforcer notre autonomie énergétique, il faut nous appuyer sur les trois piliers essentiels de notre nouveau mix énergétique : la sobriété, les énergies renouvelables et le nucléaire. Nous devons développer cette ambition, en particulier autour de l’énergie photovoltaïque, sachant que les deux tiers de notre consommation finale d’énergie reposent encore sur les énergies fossiles.
Des mesures ont été prises durant toute la présente mandature et encore très récemment. Je n’en citerai que deux : en premier lieu, le lancement d’appels d’offres pour des centrales photovoltaïques, tant au sol que sur bâtiments, sur la base d’un cahier des charges validé à l’été 2021 par la Commission européenne pour une période de cinq ans, au sein de la programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) 2019-2028 ; en second lieu, l’extension de l’arrêté tarifaire pour les projets photovoltaïques sur bâtiments jusqu’à une puissance de 500 kilowatts-crête, contre 100 précédemment.
Ce nouveau dispositif, publié en octobre dernier, permet de monter des projets plus rapidement et rencontre d’ores et déjà un grand succès : des projets représentant une puissance totale de 800 mégawatts ont déjà été déposés.
Les mesures adoptées ces dernières années portent leurs fruits, avec un niveau record de raccordement de plus de 2 gigawatts l’an dernier, soit l’équivalent de deux réacteurs nucléaires ; la puissance totale du parc photovoltaïque dépasse désormais 13 gigawatts.
Cet effort doit encore être amplifié. Les perspectives d’évolution du mix électrique nous amènent à envisager un parc photovoltaïque d’une puissance totale d’environ 100 gigawatts à l’horizon 2050 ; le défi est de taille !
Le succès du développement de l’énergie photovoltaïque passe par la mobilisation du foncier pour l’accueil de projets sur bâtiments comme au sol. Concernant les bâtiments, la direction de l’immobilier de l’État travaille pleinement à identifier les sites pouvant accueillir de tels projets. Quant aux centrales au sol, il est important de mobiliser autant que possible des terrains déjà artificialisés ; c’est pourquoi nous nous intéressons au premier chef aux friches. Ainsi, nos appels d’offres accordent une bonification de notation aux projets prévus sur des friches ou d’anciennes décharges. Cela illustre l’intérêt de ces dispositifs et l’engouement qu’ils suscitent.
Pour aller plus loin, le ministère de la transition écologique et l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, dite Agence de la transition écologique) ont piloté une étude, réalisée par le Cerema (Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement), associé au bureau d’études Tecsol et en lien étroit avec les services déconcentrés de l’État, pour identifier toutes les friches susceptibles d’accueillir des projets photovoltaïques.
Cette étude est désormais finalisée. Je suis très heureuse de vous annoncer que la liste des 874 sites potentiels, pour une puissance totale considérable de 7 800 mégawatts, sera publiée dans les heures qui viennent, sur le site du ministère et sur la plateforme Cartofriches du Cerema. L’accès à cette liste bénéficiera à tous les porteurs de projets, aux préfets, qui pourront relayer l’information localement, et aux collectivités locales : ils pourront se saisir de ces informations pour monter des projets sur des sites identifiés.
En cohérence totale avec l’enjeu de mobiliser des friches pour les projets photovoltaïques, la présente proposition de loi vise à permettre d’installer des dispositifs de production d’électricité photovoltaïque sur des friches localisées dans les zones soumises à la loi Littoral.
Cette dérogation permettra à nos collectivités littorales et a fortiori insulaires de ne pas être exclues de ce grand effort national de déploiement des énergies renouvelables. Elle se justifie pleinement par ces enjeux de verdissement de notre mix énergétique et d’égalité entre les territoires.
Cette proposition de loi a le grand mérite de limiter cette dérogation à des sites dégradés et au seul développement de l’énergie solaire, dans une liste limitative de cas.
Cette démarche me semble tout à fait pertinente et cohérente avec celle que nous menons, du local au national. Elle allie développement des énergies renouvelables et mobilisation des espaces les mieux adaptés, là où les enjeux environnementaux sont les plus limités.
C’est dans cet esprit aussi que nous encourageons l’installation de panneaux solaires sur les toitures, en facilitant l’accès au tarif de rachat de l’électricité produite.
Notre priorité en matière de friches est leur valorisation, qui permet d’économiser du foncier et de lutter contre l’artificialisation des sols. C’est dans cette optique que nous encourageons leur reconversion.
Ainsi, le fonds pour le recyclage des friches que nous avons mis en place permet notamment de développer des projets solaires dans des zones inexploitées ; face au succès de ce fonds, le Premier ministre en a annoncé une nouvelle édition, qui sera déployée en 2022 à hauteur de 100 millions d’euros. Au total, ce fonds aura été doté de 750 millions d’euros ; nous pouvons vraiment nous en féliciter !
Enfin, cette proposition de loi respecte pleinement l’esprit comme la lettre de la loi Littoral et l’intention du législateur ; on a su trouver cet équilibre en prévoyant que ces installations ne pourront être permises qu’à titre exceptionnel, par l’autorité compétente de l’État et après avis de la commission départementale de la nature, des paysages et des sites.
Je suis évidemment, tout comme vous, particulièrement attachée à ce que ce texte limite la dérogation aux cas où le projet photovoltaïque satisfait mieux l’intérêt public qu’un projet de renaturation. Il faut que nous sachions vraiment construire ensemble ces équilibres entre les enjeux énergétiques et de préservation de l’environnement ; cela nous appelle à la plus grande nuance et à une approche différenciée selon les sites identifiés.
Le Gouvernement définira par décret la liste des friches pour lesquelles ces autorisations pourront être délivrées ; une vingtaine de sites semblent pouvoir correspondre aujourd’hui aux critères définis. Cette disposition représente une protection supplémentaire quant au périmètre des zones potentiellement concernées.
La rédaction actuelle de l’article unique de cette proposition de loi permettrait, selon les travaux du Cerema, d’ouvrir cette possibilité à une vingtaine de sites soumis à la loi Littoral. Nous espérons pouvoir confirmer cette liste dans un décret dès 2022. Il s’agit donc d’une possibilité encadrée et raisonnable, qui offrira très rapidement de la visibilité aux éventuels porteurs de projets.
Pour l’ensemble de ces raisons, la rédaction de cette proposition de loi me semble tout à fait adaptée, exigeante et protectrice ; le Gouvernement lui est donc pleinement favorable.
Je tiens à remercier une nouvelle fois M. Mandelli d’avoir pris cette initiative sur un sujet essentiel pour notre transition énergétique et pour nos territoires.