Intervention de Nadège Havet

Réunion du 22 février 2022 à 15h15
Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés — Vote sur l'ensemble

Photo de Nadège HavetNadège Havet :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le groupe RDPI soutient pleinement cette initiative de Didier Mandelli et plusieurs de ses collègues en faveur de l’implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites jugés dégradés – en l’occurrence, des friches.

Sénatrice d’un département comptant 1 250 kilomètres de côte et 115 communes littorales sur un total de 277, je me réjouis que nous examinions aujourd’hui ce texte très attendu.

Cette proposition de loi reprend une mesure déjà adoptée, en commission mixte paritaire, lors de l’examen de la loi Climat et résilience, mais censurée par le Conseil constitutionnel au titre de l’article 45 de la Constitution : il avait été considéré que le dispositif en question n’avait pas de lien avec l’objet du projet de loi.

L’article unique présenté en commission, amendé trois fois et dont nous débattons aujourd’hui en séance publique, vient donc confirmer la volonté du législateur, avec un véhicule législatif cette fois-ci adapté.

Depuis 1986, comme cela a été rappelé, les constructions nouvelles dans les communes littorales ne peuvent être réalisées qu’en continuité avec les « agglomérations et villages existants », en application de l’article L. 121-8 du code de l’urbanisme. La jurisprudence administrative est claire et constante sur ce point : l’implantation de parcs photovoltaïques est concernée, elle n’est donc permise qu’à cette condition.

Des dérogations au principe général ont pourtant déjà été prévues. C’est notamment le cas pour les cultures marines et pour les activités agricoles et forestières. Depuis 2015, c’est aussi le cas pour l’édification d’éoliennes. La justification est l’existence possible de nuisances, notamment sonores, pour les riverains, en cas d’installation plus proche des habitations. Mais les tentatives entreprises, y compris très récemment, pour inclure les panneaux solaires dans le champ de ces dérogations ont quant à elles échoué.

Aussi, certaines collectivités insulaires se retrouvent, dans le cadre juridique actuel, totalement dépendantes des énergies fossiles. À plusieurs endroits du territoire, en métropole et outre-mer, un conflit existe entre la norme édictée il y a bientôt quarante ans et les objectifs actuels fixés par la France en matière de transition énergétique.

Au regard des défis environnementaux que nous devons relever, cette dérogation à la loi Littoral représenterait une avancée souhaitable et légitime.

Ainsi, à Fouesnant, dans le Finistère, un projet d’implantation de parc solaire sur une ancienne décharge ne peut pas voir le jour, alors même que la terre ne peut pas être rendue à l’agriculture.

Il est bien entendu nécessaire que des garde-fous soient expressément prévus dans la loi. Tel est le cas ici : ils sont détaillés dans ce texte. Son examen est par ailleurs pour nous, élus de territoires littoraux, une belle occasion de mettre en lumière nos difficultés et de proposer à notre population un aménagement équilibré.

Pour ce qu’elle représente, dans son bilan et sa valeur protectrice, nos élus sont très attachés à la loi Littoral, mais celle-ci doit aussi être adaptée aux nouveaux enjeux, qui sont multiples et transverses : autonomie énergétique, densification urbaine, agriculture, ou encore accès aux services numériques.

La loi Littoral est aujourd’hui perçue comme un cadre trop rigide, interprété de manière restrictive par le juge administratif. Elle a freiné le bétonnage de nos côtes ; nous nous en félicitons. Mais elle génère également incompréhensions et tensions au niveau local. Pour reprendre les termes de nos anciens collègues Odette Herviaux et Jean Bizet, corédacteurs en 2014 du rapport d’information intitulé Plaidoyer pour une décentralisation de la loi Littoral : un retour aux origines, son application est aujourd’hui « abstraite, instable et hétérogène ». Ce texte constitue une réponse à cet état de fait.

J’exprime le vœu que nous poursuivions nos travaux dans les prochains mois pour offrir à nos élus littoraux un cadre juridique adapté aux enjeux contemporains. Je pense à la question de la desserte numérique en zone littorale : on pourrait ouvrir la possibilité d’implanter des antennes en discontinuité de l’urbanisation. Je pense aussi à la question agricole : comment justifier qu’un exploitant soit entravé dans son développement lorsqu’il souhaite implanter son logement à proximité de son exploitation ? Je pense enfin à la densification de nos villages littoraux, qui nécessiterait de permettre les constructions dans les dents creuses.

Ces sujets doivent être traités comme nous le faisons aujourd’hui pour le photovoltaïque : de manière pragmatique et avec les garde-fous indispensables à la protection du littoral.

Pour conclure, madame la secrétaire d’État, je veux ici saluer la politique volontariste menée par le Gouvernement afin d’encourager les reconversions de friches identifiées par les élus locaux : 750 millions d’euros ont déjà été engagés avec succès.

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