Intervention de Joël Bigot

Réunion du 22 février 2022 à 15h15
Implantation de panneaux photovoltaïques sur des sites dégradés — Vote sur l'ensemble

Photo de Joël BigotJoël Bigot :

Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la loi Climat et résilience prévoyait le dispositif qui nous est aujourd’hui proposé, mais il a été censuré par le Conseil constitutionnel en tant que cavalier législatif.

Passé à peu près inaperçu lors de l’examen du texte, cet ex-article 102 visait à permettre l’implantation de centrales solaires sur des friches situées en milieu littoral, des sites impropres à l’activité agricole, comme d’anciennes carrières ou décharges. En d’autres termes, il s’agit aujourd’hui d’entériner une nouvelle dérogation à la grande loi Littoral en se saisissant d’un foncier dégradé pour développer l’énergie voltaïque, sur le modèle de ce qui existe pour l’éolien.

Sur le principe, nous partageons l’objectif de la proposition de loi, qui s’inscrit dans le principe de reconversion des friches, bien identifié par la commission d’enquête sur la pollution des sols, portée par le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain (SER).

Parallèlement, nous souhaitons demeurer vigilants quant à la préservation des espaces littoraux. C’est la raison pour laquelle je me félicite de l’adoption de notre amendement visant à ce que le Conservatoire du littoral prenne une part décisive dans l’élaboration du décret listant les zones pouvant être concernées par un futur réaménagement photovoltaïque. Cette concertation obligatoire me paraît être un garde-fou bien plus efficace que l’étude d’incidence, qui, réalisée par le maître d’ouvrage, n’aura que très peu d’objectivité.

En revanche, je ne peux que regretter le rejet de notre amendement visant à ce que la validation de l’implantation fasse intervenir la démocratie locale. Au regard de l’importance de l’implication des collectivités locales dans la transition écologique et énergétique, il me semble que la droite sénatoriale et le Gouvernement commettent ici une erreur d’appréciation. Même si l’accord du maire, via une autorisation d’urbanisme, reste nécessaire, il me semble qu’un vote des élus de la commune ou de l’EPCI concerné garantirait la transparence démocratique et favoriserait l’adhésion de la population au projet envisagé.

Nous souffrons suffisamment de ce manque d’acceptabilité sociale des éoliennes pour risquer des réticences inutiles, faute de contrôle démocratique.

À l’heure où la démocratie représentative pâtit d’une désaffection bien réelle, il m’apparaissait de bon droit d’impliquer en amont nos élus locaux dans ce type de décision, si importante pour notre avenir énergétique.

Cette nouvelle exception – si j’ose dire – déroge enfin au parallélisme des formes, puisque l’article L. 121-2 du code de l’urbanisme prévoit justement cette association des élus pour les éoliennes, celle-là même qui, dans le cas présent, fait défaut.

Ne l’oublions pas, mes chers collègues, certains projets de centrale solaire seront bien acceptés, tandis que d’autres feront débat. C’est inévitable et je regrette que vous n’ayez pas entendu raison sur ce point.

Nonobstant cette remarque de bon sens qui pourrait inspirer nos futurs députés, le groupe Socialiste, Écologiste et Républicain votera ce texte, car il adapte notre droit pour répondre à des attentes dans bon nombre de territoires, notamment insulaires, comme l’a souligné notre collègue Didier Mandelli.

La jurisprudence administrative est constante sur ce sujet et interprète strictement la notion de continuité d’une agglomération ou d’un village existant. Plusieurs autorisations de construire ont ainsi été annulées pour ce motif. Cette dérogation permettra donc d’éviter ce genre d’écueil auquel sont confrontés les élus et que j’ai bien connu à l’époque où j’étais maire des Ponts-de-Cé. J’ai en effet moi-même fait construire sur une ancienne décharge une centrale solaire, qui est la plus grande unité photovoltaïque de la région des Pays de la Loire : elle produit aujourd’hui 11 000 mégawatts par an, soit la consommation électrique de 4 000 foyers. Six ans, il aura fallu six ans pour obtenir les autorisations nécessaires de la CRE, alors que le site n’était même pas situé sur un littoral !

La France est en retard sur les énergies renouvelables et il s’agirait pour le Gouvernement de regarder en face ce triste bilan plutôt que de se gargariser d’une inaction climatique maintes fois dénoncée dans cette enceinte.

Nous ne disposons malheureusement pas d’étude d’impact ad hoc pour ce texte. Madame la secrétaire d’État, pouvez-vous nous indiquer le nombre exact de sites potentiellement retenus ? Vous avez avancé celui de 874, alors que je pensais que cela concernerait une vingtaine de sites. Par ailleurs, pouvez-vous nous préciser leur localisation : Atlantique, Méditerranée, Manche ? Les élus ont besoin de ces informations.

En conclusion, ce texte représente l’un des leviers utiles que nous pouvons actionner pour intensifier la production électrique d’origine solaire dont notre pays a besoin. Ne boudons pas notre unanimisme pour adopter cette proposition de loi, même si, je le répète, la voix de la démocratie représentative doit figurer dans cette nouvelle dérogation à la loi Littoral pour emmener le plus grand nombre dans la transition écologique.

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