Madame la présidente, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, la loi du 10 juillet 2000 a abrogé le monopole des commissaires-priseurs et a institué les sociétés de ventes volontaires, devenues opérateurs de ventes volontaires aux termes de la loi du 20 juillet 2011 de libéralisation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Cette dernière loi a aussi considérablement réformé l’activité de courtage aux enchères en la dotant d’un Conseil des ventes volontaires de meubles.
Le commissaire-priseur est de moins en moins un officier ministériel chargé par l’État d’une mission de service public. Il convient donc de se demander si ces ventes volontaires doivent néanmoins continuer d’être encadrées par la puissance publique. Autrement dit, la fin d’une profession réglementée impose-t-elle la libéralisation du secteur économique qu’elle animait ?
Il faut reconnaître que, depuis la loi du 10 juillet 2000, le marché de l’art s’est profondément transformé, dans un sens qui était prévisible. Trois grandes maisons de ventes s’approprient aujourd’hui plus de la moitié du volume des ventes et les anciennes maisons françaises ont toujours plus de difficultés à résister à cette concentration qui peut demain les emporter.
La présente proposition de loi déposée par notre collègue Catherine Morin-Desailly s’inspire des rapports et des évaluations suscités par ces évolutions très rapides et se justifie par la perte d’influence de la place de Paris. Elle s’attache principalement à corriger le mode de fonctionnement et les attributions du Conseil des ventes volontaires.
Ces mesures techniques vont dans le bon sens et renforcent quelque peu l’encadrement de cette activité. Néanmoins, notre collègue Catherine Morin-Desailly souhaite que ce Conseil des ventes volontaires rénové soit « au service d’une profession portant un niveau élevé d’exigence de probité et d’expertise ». Je partage totalement son ambition.
J’entends parfois exprimer l’idée selon laquelle l’attractivité du marché parisien pourrait être mieux défendue si ce dernier bénéficiait de la même déréglementation que ses concurrents à l’étranger. Je suis intimement convaincu du contraire et je pense que les garanties supérieures qu’il peut offrir à ses clients lui profiteront nécessairement un jour.
Nous venons de voter la restitution d’un tableau de Maurice Utrillo aux ayants droit de Georges Bernheim. Achetée à une grande maison de vente londonienne par la ville de Sannois, cette œuvre avait été spoliée par l’organisation nazie Rosenberg. Le vendeur refuse toute indemnisation, estimant qu’il ne pouvait disposer d’information sur ce vol. Ainsi que l’a justement dénoncé, à cette même tribune, mon collègue Sébastien Meurant, il n’est pas acceptable qu’une maison internationale aussi prestigieuse dégage sa responsabilité de la sorte.
L’an passé, le bureau parisien de la plus grande société de vente aux enchères, dont le siège est à Londres, a dispersé soixante œuvres d’Afrique et d’Océanie de la collection de Michel Périnet, pour 66 millions d’euros. Les conditions de l’acquisition de toutes ces pièces n’ont pas été établies avec précision. Alors qu’il est demandé aux musées nationaux de restituer les œuvres acquises par la violence et de réaliser un travail de récolement des provenances, comment peut-on admettre que des maisons de vente s’affranchissent de ces vérifications indispensables ?