La délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, à laquelle se joignent aujourd'hui des collègues de la commission des lois, cultive le harcèlement positif en matière de suivi des lois, parce que notre rôle, au-delà de faire la loi, est aussi d'en suivre son application. Vous savez que le sujet de la relation entre la justice et les élus, et notamment du suivi judiciaire des agressions d'élus, nous préoccupe au plus haut point, parce qu'elle concerne les gardiens et les vigies qui constituent une sorte de digue de la République. Nous souhaitons faire le point avec vous sur deux sujets liés, les agressions d'élus, d'une part, et les relations entre les élus et la justice pour y faire face, d'autre part. Selon le ministère de l'Intérieur, 1 186 élus ont été pris pour cible dans les onze premiers mois de 2021, dont 162 parlementaires et 605 maires ou adjoints victimes d'agressions physiques, soit une hausse de 47% par rapport à 2020. 419 outrages ont aussi été recensés (+ 30%). Une peur s'installe, susceptible de remettre en cause la volonté d'engagement des élus : en 2014, 84 communes de France n'avaient pas de candidats aux élections municipales, en 2020, elles étaient plus de 100.
Dans la loi « Engagement et proximité », nous avons inséré un certain nombre de dispositions intéressantes relatives aux suites judiciaires, et aux relations entre les élus et la justice. De votre côté, la Chancellerie a diffusé deux circulaires sur le sujet, les 6 novembre 2019 et 7 septembre 2020, invitant notamment les Parquets à mettre en oeuvre une politique pénale ferme et diligente en répression des actes commis à l'encontre des élus locaux et des parlementaires, ainsi qu'un suivi judiciaire renforcé des procédures pénales les concernant.
Au-delà des textes, tout est affaire d'application. Le procureur de Valenciennes que nous avons auditionné nous a expliqué la qualité du dispositif de relation qui a été mis en place avec les élus. Cette excellente pratique a-t-elle été diffusée dans tous les départements ? Je rappelle qu'avant d'être agressé, le maire doit apprendre qu'il est aussi officier de police judiciaire. Quand vous ne venez du monde de la justice, ce qui est le cas de beaucoup de maires, vous ignorez tout du sujet : de quoi s'agit-il, comment le pratiquer et quel est votre lien avec la justice.
Je salue la présence de nos collègues Rémy Pointereau et Corinne Féret qui ont réalisé un rapport sur l'ancrage territorial de la sécurité et précise que nous avons auditionné la semaine dernière Madame Adeline Hazan, ancien maire de Reims et magistrate honoraire, qui nous a présenté son rapport sur les relations entre la justice et les élus locaux. D'après ce rapport, qu'ils s'ignorent ou qu'ils s'indiffèrent, ces deux mondes restent séparés. C'est sans doute moins vrai, mais il fut un temps où les élus inspiraient même une forme de méfiance, et les traces de cette époque ne sont pas encore complètement effacées.
Madame Hazan propose notamment d'instaurer par voie législative l'obligation, à chaque renouvellement d'assemblée locale, d'une présentation par les chefs de cour et de juridiction de leur action ainsi que l'intégration des parlementaires dans les conseils de juridiction. Elle suggère également d'identifier les pratiques locales qui rapprochent efficacement les élus des magistrats et de les généraliser : matinée de formation, assistance à des audiences de comparution immédiate, installation d'une boîte courriel dédiée directement gérée par le procureur. Enfin, nous avons été séduits par son idée de rénovation des audiences solennelles de rentrée, dont le format confine excessivement à la « grande messe ».