Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, au sixième jour de ce terrible conflit, alors que les chars russes sont aux portes de Kiev, mes premières pensées vont au peuple ukrainien et à ses dirigeants, qui font preuve d’un courage et d’un héroïsme forçant l’admiration.
Mes pensées vont également à nos compatriotes, pris au piège de la guerre aux portes de l’Europe.
Après avoir annoncé, le 21 février, la reconnaissance de l’indépendance des territoires séparatistes du Donbass, Vladimir Poutine a commis l’irréparable en pénétrant en Ukraine à l’aube du 24 février, réduisant à néant les accords de Minsk, qui portaient l’espoir d’une solution diplomatique. Pis, il se justifiait en réaffirmant sa volonté de « démilitariser » et de « dénazifier » le pays, tout en le protégeant d’un « génocide » programmé…
Cette guerre est décidément celle de la désinformation et de l’image, une guerre de l’intox visant à déstabiliser une armée sur le plan psychologique.
Mais tout cela était sans compter sur la capacité de résistance de l’armée ukrainienne, sans compter sur la détermination du président Volodymyr Zelensky, sans compter sur la capacité de réaction unifiée de l’Europe.
Le délire paranoïaque de Vladimir Poutine l’a amené à justifier cette intervention militaire en invoquant l’article 51 de la Charte des Nations unies relative à la légitime défense.
« La sécurité absolue d’un acteur implique l’insécurité absolue de tous les autres », écrivait Henry Kissinger en parlant de l’URSS. Cette phrase est plus que jamais d’actualité et résume à elle seule la schizophrénie de Vladimir Poutine. Après l’Ukraine, quel sera le prochain pays à faire l’objet des velléités du dirigeant russe ? La Moldavie ? La Géorgie ?
Le maître du Kremlin, depuis son accession au pouvoir, n’a cessé de déclarer que le droit de sécession des quinze républiques de l’ex-URSS était une erreur historique et que la dislocation du bloc socialiste était la plus grande catastrophe géopolitique du XXe siècle. Comment un homme seul peut-il décider du destin de tout un peuple ?
En bafouant les règles du droit international, Vladimir Poutine s’est isolé du reste du monde. Face à la résistance ukrainienne et à la détresse de toute une population, l’Occident a retrouvé l’unité qui lui a longtemps fait défaut. En quelques heures, l’Europe de la défense a pris forme afin de répondre à la plus abjecte des provocations, certains pays allant même jusqu’à sortir de leur neutralité en appliquant les propositions de sanctions ou en proposant la fourniture d’armes létales.
Alors oui, les sanctions économiques étaient nécessaires et amplement justifiées, et constituent un premier niveau de réponses.
Le deuxième volet de mesures de rétorsion décidées ce week-end paraît totalement adapté à la situation et à son aggravation : la fermeture de l’espace aérien de l’Union européenne à la Russie, l’interdiction de la diffusion des médias d’État russes ou encore l’isolement du réseau bancaire Swift des marchés internationaux.
Pour autant, cela suffira-t-il à dissuader Vladimir Poutine de mener une offensive destructrice sur l’ensemble du territoire ukrainien ? Nous n’en avons aucune certitude et il est permis d’en douter.
À l’issue des sommets européens, des réunions du G7 et de l’OTAN, le chemin du dialogue reste possible. Même si, au sixième jour de cette offensive, l’intensité des combats ne faiblit pas, nous devons conserver et privilégier la voie diplomatique pour résoudre le conflit.
Les évènements de ces derniers jours marquent un tournant historique et plongent l’ensemble du continent européen dans l’incertitude. Pour autant, monsieur le Premier ministre, ne laissons pas croire à l’Ukraine qu’elle pourrait demain adhérer à l’Union européenne par le biais d’une procédure simplifiée qui n’existe pas.