Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame la ministre, messieurs les ministres, mes chers collègues, si le peuple ukrainien et son président suscitent autant d’émotion, autant d’admiration, c’est parce qu’aujourd’hui, par leur courage, par leur détermination sans limite, ils ne défendent pas seulement leur nation et leur territoire : ils incarnent la volonté farouche de résister à l’arbitraire, à la soumission, à l’agression.
Ils aspirent à la souveraineté, à la liberté, à la démocratie ; ils défendent ces valeurs qui sont aussi les nôtres au prix du sacrifice ultime.
La résistance de ce peuple et de ces soldats aguerris face aux offensives militaires russes nous inspire. À ce titre, nous leur devons un soutien sans faille, ferme et déterminé, par des actes qui leur permettront de résister et de garder espoir, comme vous l’avez très bien dit, monsieur le Premier ministre.
Je veux dire ici au président Zelensky tout notre respect, toute notre admiration. Il incarne le chef de guerre que tant de peuples rêvent d’avoir : héroïque, inflexible au milieu de ses hommes et prêt à périr pour son peuple et pour notre paix à tous.
Ce jeudi 24 février 2022, l’Europe s’est brutalement réveillée dans une ère de guerre. On le redoutait. Le Président de la République et le Chancelier allemand ont tout tenté, par la négociation, par la médiation, pour l’éviter.
Ce scénario du pire s’est finalement réalisé parce que le président russe, porté par son ivresse de puissance, a décidé de faire fi du droit international, des principes de souveraineté et d’intangibilité des frontières, pour agresser militairement un État souverain, pour envahir l’Ukraine, alors même que la Russie n’était ni agressée ni menacée.
Cette tragique bascule nous ramène à nos souvenirs les plus effroyables de la guerre froide. Aux quatre coins de l’Ukraine, ce sont désormais les sirènes d’alarme antiaérienne, les tirs, les explosions des bombes, les victimes civiles et militaires qui jalonnent les jours et les nuits.
Voilà deux heures à peine, une frappe russe a touché la tour de la télévision à Kiev. À elle seule, cette frappe a visé ce qui est de plus cher à nos yeux : la liberté d’expression et la liberté d’information.
À cette heure, j’ai aussi une pensée pour nos ressortissants sur place. Je remercie l’équipe de notre ambassadeur, Étienne de Poncins, qui poursuit l’accompagnement de nos concitoyens.
Mes chers collègues, on comprend, avec le recul, que l’allocution télévisée du président russe annonçant sa reconnaissance des républiques autoproclamées du Donbass, quatre jours avant le début de cette guerre, constituait les prémices de sa réelle intention. Cinquante longues minutes durant lesquelles nous avons assisté à une réécriture surréaliste de l’Histoire, un discours composé de fausses accusations contre l’Ukraine.
Les mots étaient minutieusement choisis pour poser les premières pierres de son mensonge. En l’espace de quelques jours à peine, les masques sont tombés, d’hallucinants motifs sont venus justifier son passage à l’acte. Qui peut croire qu’un « génocide » est en cours en Ukraine et qu’une « dénazification » est nécessaire pour la survie de la Russie ?
Dimanche, la pression a atteint son paroxysme lorsque, face à des résultats militaires limités et à la multiplication des gestes de soutien envers Kiev, Vladimir Poutine, dans une démonstration désinhibée de puissance, a déclaré mettre les forces de dissuasion de l’armée russe en régime spécial d’alerte au combat. Comment la Biélorussie peut-elle continuer à être complice d’une telle escalade mortifère ?
Vladimir Poutine voulait recréer l’URSS ; il a fait l’unanimité contre lui, il a réveillé l’Europe, il a redonné tout son sens à l’OTAN.
Ensemble, nous avons déconnecté notre ciel européen.
Nous faisons le choix d’accélérer la lutte contre la désinformation russe, au point d’aboutir à l’interdiction totale de deux outils de propagande du Kremlin, RT et Sputnik, sur l’ensemble du territoire de l’Union européenne. J’appelle les réseaux sociaux à se battre à nos côtés.
À l’unisson des autres pays occidentaux, nous avons déployé d’innombrables sanctions économiques, d’une force de frappe sans précédent : sanctions contre les réserves en devises de la banque centrale de Russie ; exclusion de plusieurs banques russes du réseau interbancaire Swift. Et bien d’autres encore.
La démarche est sans équivoque : provoquer une véritable onde de choc dans la société russe pour pousser les citoyens à remettre en question la propagande du Kremlin. Les premiers résultats sont là.
Ensemble, faisons le choix de l’unité et de la solidarité face à l’impact humanitaire et à la crise migratoire que cette guerre entraîne aujourd’hui. Pour la première fois, nous avons enclenché le dispositif de protection temporaire automatique, avec des mesures pour répartir l’accueil des réfugiés entre les pays membres.
Je saisis cette occasion pour remercier nos communes, nos intercommunalités, nos villes, nos régions, mobilisées pour accueillir des réfugiés ou pour contribuer à l’aide d’urgence en faveur du peuple ukrainien.
Je remercie les associations et je remercie nos concitoyens : leur élan de générosité fait l’honneur de la France.
Enfin, la nécessaire autonomie stratégique de l’Union européenne, évoquée par le Président de la République dès le discours de la Sorbonne en 2017 – vous l’avez rappelé, monsieur le Premier ministre –, n’a jamais connu un écho aussi retentissant. Pour la première fois de son histoire, l’Union européenne a annoncé débloquer 450 millions d’euros pour acheter des armes létales destinées à être livrées aux forces armées ukrainiennes, ainsi que du carburant.
La Suède et l’Allemagne rompent avec leur doctrine selon laquelle elles ne livrent pas d’armes létales à un État en guerre.
L’Allemagne va plus loin encore : ce dimanche, devant le Bundestag, le chancelier Scholz a opéré un virage à 180 degrés dans la posture militaire du pays en annonçant une hausse des dépenses de défense, qui dépasseront 2 % de son PIB annuel, et la création d’un fonds spécial de 100 milliards d’euros pour renforcer ses capacités de défense.
C’est un tournant historique, c’est un tournant majeur. Même la Suisse sort de sa neutralité !
Nos actions, nos sanctions et notre détermination sont dictées par une unique raison : la paix.
Je veux saluer ici la démarche du Président de la République, qui a toujours cru à la diplomatie et qui poursuit un dialogue avec lucidité, fermeté et courage.
Monsieur le Premier ministre, nous sommes conscients de l’impact que nos sanctions pourraient aussi avoir sur notre quotidien. Nous y sommes prêts au nom de notre sécurité collective et de la paix, parce que nous savons pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement pour établir un plan de résilience qui soit à la hauteur. Et vous pourrez compter sur nous pour identifier les mesures qui aideront au mieux nos concitoyens.
Nous affronterons ensemble les difficultés : il y va de la force de nos démocraties et de l’unité de l’Europe.
Reculer devant le coût des sanctions, c’est s’exposer à devoir payer un prix infiniment plus lourd si le président russe atteint son objectif. Car d’autres bruits de bottes, en d’autres points du monde, n’attendront plus que le moment opportun pour se faire entendre.