Monsieur le président, monsieur le Premier ministre, madame, messieurs les ministres, mes chers collègues, en une semaine nous avons changé d’époque. L’invasion dramatique de l’Ukraine par la Russie a rebattu en un instant toutes les cartes géopolitiques, changé nos références et bouleversé nos perspectives. Il nous faut maintenant dresser un constat lucide de la situation, en tirer les conséquences et déterminer enfin dans quelle voie il convient d’avancer.
Le constat, c’est d’abord celui d’un véritable choc de valeurs. En effet, nous assistons à une mobilisation puissante, déterminée et rapide de l’ensemble des démocraties occidentales contre la guerre, contre cette guerre inutile et sale voulue par un homme seul.
Très clairement, les gouvernements et, désormais, les opinions publiques de nos pays ont conscience qu’il s’agit d’une agression contre la démocratie et contre la liberté. Les Ukrainiens veulent vivre libres : Vladimir Poutine ne le supporte pas.
Ce choc a entraîné de façon quasi instantanée des révisions spectaculaires. Pour la première fois depuis la Seconde Guerre mondiale, l’Allemagne et la Suède vont livrer des armes à un pays belligérant. La Finlande envisage désormais d’adhérer à l’OTAN. Même la Suisse décide de s’aligner sur l’ensemble des sanctions européennes. Le monde du sport, d’habitude réfractaire à toute idée de positionnement politique, exclut la Russie de toutes les compétitions.
Face au dynamitage de l’architecture de sécurité conçue à la fin de la guerre froide, ceux qui, comme nous tous, ont cru à la possibilité et même à la nécessité de dialoguer avec la Russie de Vladimir Poutine doivent aujourd’hui se rendre à l’évidence : pour dialoguer, il faut être deux.
Il est tout à fait légitime que la Russie ait le souci d’assurer sa sécurité, mais l’Ukraine ne la menace nullement ; et de telles considérations ne sauraient en aucun cas conduire un pays à dépecer un État souverain voisin ou à lui interdire les choix de société qu’il entend faire.
Les Ukrainiens ont choisi collectivement de vivre selon un modèle démocratique, et c’est leur droit.
La conséquence de ce constat, c’est qu’en cinq jours, par cette folle action, Poutine a tiré l’OTAN de sa léthargie. Il a fait avancer la défense européenne de trente ou cinquante ans, en réveillant l’esprit de défense qui sommeillait dans le cœur des Européens.