Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 1er mars 2022 à 19h00
Décision de la russie de faire la guerre à l'ukraine — Déclaration du gouvernement suivie d'un débat

Olivier Dussopt :

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j’aborderai à la fois la question des sanctions et celle des conséquences économiques de la crise que nous traversons.

Pour ce qui concerne les sanctions, je serai bref. M. le Premier ministre l’a dit dans son intervention liminaire, l’Union européenne a pris trois paquets de sanctions. Un quatrième paquet a été décidé le 28 février au soir pour intégrer la Biélorussie, en tout cas des acteurs biélorusses, dans le champ des sanctions. Plus de 500 personnes ou entités sont concernées. Ce travail a été mené en coordination avec nos partenaires américains, puisque les États-Unis ont leur propre régime de sanctions.

Nous devons, après chaque décision du Conseil en matière de sanctions, attendre la mise en place du règlement y afférent. Nous y travaillons activement, afin de préciser le champ des actifs et des avoirs que nous voulons geler ou saisir, la nature exacte des marchandises interdites ou des trafics interdits, et les modalités d’intervention.

Je peux vous assurer de la détermination et de la mobilisation des services de l’État pour procéder à ces gels et à ces sanctions dans le cadre des règlements déjà publiés. Des navires ont d’ores et déjà été arraisonnés, et font l’objet d’un gel. Des avoirs sont en cours d’identification, également en vue d’un gel.

Nous avons appris avec beaucoup de satisfaction l’accord de la Suisse pour transposer dans son droit interne la totalité des règlements des sanctions prises par l’Union européenne, mais aussi l’accord de la Principauté de Monaco. Ces deux accords nous permettront une coopération beaucoup plus étroite entre les services de la direction générale des finances publiques (DGFiP), les services de la douane, ceux de Tracfin et leurs homologues monégasques, suisses et européens, pour procéder à des gels et à des saisies les plus efficaces possible.

Nous avons déjà commencé ce travail. Depuis un peu plus de vingt-quatre heures, les actifs de la banque centrale russe ont fait l’objet d’un gel. Ces actifs étaient placés, en France, dans des établissements privés, au sein desquels ils ont été gelés. Nous estimons que, à l’échelle de l’Union européenne – hors Suisse et Grande-Bretagne –, plus de 100 milliards d’euros d’actifs seraient ainsi gelés, et donc indisponibles pour la Russie si elle voulait soutenir sa propre devise.

Au-delà de ces gels et sanctions, nous intervenons pour accompagner l’Ukraine. Ce volet se traduit, à la fois, par l’initiative prise par les États membres de l’Union et la Commission en matière de livraisons d’armes – Mme la ministre des armées l’a dit –, par une assistance macroéconomique de 1, 2 milliard d’euros accordés par l’Union européenne, ainsi que par une aide directe de la France à hauteur de 300 millions d’euros.

Comme le Président de la République s’y est engagé, nous veillons évidemment à la traçabilité de ces aides. Nous veillerons aussi à ce qu’elles soient accordées au gouvernement ukrainien légitime ; cela implique évidemment de suivre l’évolution de la situation en Ukraine, ce que nous faisons.

J’en viens à la question des conséquences économiques pour la France. L’économie française n’est pas l’économie la plus exposée aux difficultés liées aux échanges avec la Russie.

En effet, les exportations de la France vers la Russie représentaient 6, 4 milliards d’euros en 2020, soit 1, 3 % de nos exportations. Quant aux importations, elles s’élèvent à 9, 7 milliards d’euros, soit 1, 6 % de nos importations. Pour les trois quarts, elles concernent des produits énergétiques.

À l’échelle de l’Union, les exportations représentent 90 milliards d’euros, soit 4 % du total, et les importations, 145 milliards d’euros, soit 7 % du total. Là aussi, les trois quarts de ces importations concernent des produits énergétiques.

Pour l’économie française, les quatre secteurs d’exportation les plus directement touchés sont : le secteur des matériels de transport, pour 22 % des exportations ; celui de la chimie, de la parfumerie et de la cosmétique, pour 21 % ; celui de la pharmacie, pour 12 % ; celui des machines industrielles et agricoles, pour 10 %.

Nous portons une attention particulière, qui a été rappelée ici même et à l’Assemblée nationale, au secteur de l’agroalimentaire, qui représente un peu plus de 700 millions d’euros. À cet égard, je voudrais souligner trois points.

Tout d’abord, l’achat d’engrais azotés, à hauteur de 160 millions d’euros, se heurte à une difficulté d’approvisionnement, nombre d’agriculteurs européens se fournissant en la matière auprès de l’Ukraine et de la Russie. Cette difficulté est liée au coût, le prix du gaz influant assez fortement sur ce secteur.

Ensuite, j’évoquerai la question des céréales, et en particulier du blé. Certes, la France n’est cliente en matière de blé – si elle l’est, c’est de manière très marginale – ni de la Russie ni de l’Ukraine. Toutefois, nous le savons, l’arrêt de la production de blé en Ukraine se traduira par une augmentation des cours de cette céréale au niveau mondial, avec des difficultés pour nos propres producteurs et éleveurs. Il faut souligner aussi les risques de mouvements sociaux dans certains pays, notamment en Afrique du Nord, où le pain constitue la base essentielle de l’alimentation et le premier budget des ménages.

Enfin, le secteur des métaux rares, en particulier le titane, fait l’objet d’une attention particulière. Nous travaillons bien évidemment à une diversification de notre approvisionnement.

Nous mettons actuellement en place un plan de résilience destiné à accompagner notre économie. M. le Premier ministre l’a dit, nous aurons l’occasion de le présenter dans les jours qui viennent. Nous nous efforçons de bâtir un plan ne nécessitant pas de dispositions législatives nouvelles. Toutefois, si tel était le cas, le Parlement serait convoqué. Si nous pouvons agir à droit constant, nous le ferons, pour gagner en temps et en efficacité.

Quel sera l’impact sur les finances publiques de ces différentes mesures ? Il est évidemment trop tôt pour le savoir, et ce pour deux raisons.

Premièrement, nous ne savons pas mesurer, à ce stade, l’impact des événements récents sur la confiance des ménages et des investisseurs. Nous ne pouvons donc mesurer leur impact sur la croissance.

Deuxièmement, s’agissant du secteur de l’énergie, qui mobilise toute notre attention, je rappelle que le gaz consommé en Europe est du gaz russe à hauteur de 40 %. Par ailleurs, le prix de l’électricité peut aussi être concerné par l’augmentation du prix du gaz, puisque certaines centrales thermiques fonctionnent grâce au gaz. Surtout, les mécanismes de régulation du marché européen de l’électricité indexent largement le prix de l’électricité sur le prix du gaz.

Nous répondrons à cette situation, M. le Premier ministre l’a dit, en prolongeant autant que nécessaire le bouclier tarifaire concernant le gaz et l’électricité, que nous avions mis en place pour faire face à une autre crise de l’énergie. Il peut s’avérer utile pour protéger les ménages. Nous aurons également à traiter la question des entreprises, dont la plupart ne sont pas couvertes par le bouclier tarifaire.

Tous ces éléments sont des points d’attention et de préoccupation. Les conséquences indirectes de ce conflit peuvent avoir des effets sur notre économie, même si, je le répète, celle-ci n’est pas la plus exposée.

D’après nos estimations, une crise relativement brève pourrait représenter une perte de 0, 2 point de la croissance mondiale. Dans le cadre d’un conflit plus dur, cette perte pourrait être de 1 point. Nous ne savons pas encore décliner ces chiffres pour l’Europe et la France. La Russie serait évidemment bien plus touchée puisque, selon les différents scénarios, la perte de PIB pourrait représenter de 1 point à 6 points du fait des sanctions que l’Union européenne et les États-Unis ont prises récemment.

Voilà ce que je peux dire, monsieur le président, en réponse aux différents intervenants.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion