Le SGMer a été missionné fin 2019 sur la stratégie nationale d'exploration et d'exploitation des grands fonds marins par le Président de la République lors des Assises de la mer organisées à Montpellier en novembre 2019. Les Assises ont mis l'accent sur une meilleure connaissance des océans et sur une exploitation durable de l'ensemble de leurs ressources biologiques et minérales.
J'ai rencontré plus de 130 personnes en quelques semaines et j'ai lu de nombreuses publications, dont celles de l'Ifremer et du SHOM. J'ai constitué un groupe de travail regroupant l'ensemble des acteurs publics et privés pour élaborer cette stratégie. Cette stratégie a fait l'objet de réunions ministérielles et a été validée lors du Comité interministériel de la mer (CIMer) de janvier 2021 qui m'a chargé de la mettre en oeuvre, en relation étroite avec les sept ministères concernés et le groupe de travail. Sa mise en oeuvre est aujourd'hui très largement engagée, c'est la raison pour laquelle ma mission s'achèvera à la fin de l'année. Xavier Grison me succédera sur une nouvelle étape d'accompagnement des acteurs qui aura pour objectif d'identifier les complémentarités avec le plan « France 2030 » que vous avez évoqué, et qui consolide et élargit cette stratégie au-delà des ressources minérales.
Pour construire cette stratégie, nous avons tiré les enseignements du passé puisqu'une feuille de route avait été présentée au Comité interministériel de la mer qui s'est tenu fin 2015. Elle n'a pas été mise en oeuvre, à la fois par manque de volonté politique et en raison de l'absence d'évaluation des moyens humains, financiers et techniques indispensables à son déploiement. J'ai également souhaité que le groupe de travail ne limite pas ses travaux aux seules ressources minérales.
Le contexte général est celui de la relation entre l'océan et le climat. Nous savons que l'océan joue un rôle fondamental dans la régulation du climat. Par ailleurs, comme l'a dit António Guterres, secrétaire général de l'ONU, « la vie sous l'eau est essentielle à la vie sur terre ».
Le cadre est celui d'un modèle faisant le lien entre ces ressources minérales et notre modèle de développement. Tous les chercheurs conviennent que, si ce modèle de développement ne change pas, notre consommation de matières premières passera de 80 à 180 milliards de tonnes d'ici 2050, avec 2 milliards d'habitants supplémentaires en 2060. Même si nous nous inscrivons, comme le souhaite la France et l'Union européenne, dans le cadre d'une transition écologique et énergétique, les besoins en ressources minérales restent considérables. Le recyclage n'est pas suffisant et nous devons aller vers l'économie circulaire. Il y a environ 50 types de minerais dans un smartphone mais seuls dix d'entre eux peuvent être recyclés.
Face à ces défis, quelle gouvernance mondiale des fonds marins faut-il adopter ? Vous savez qu'il existe une Agence internationale des fonds marins qui a déjà octroyé une trentaine de permis d'exploration, dont cinq à la Chine. Dans cette perspective de gouvernance des océans sur la partie biologique et sur les ressources minérales, les enjeux sont multiples : éthiques pour fournir aux habitants de notre planète ce dont ils ont besoin pour vivre, mais aussi de la beauté et du bien-être, habités de la conscience que les générations futures devront pouvoir en profiter, environnementaux, géopolitiques, avec l'emprise croissante des états dans leurs ZEE mais aussi dans les eaux internationales ; juridiques ; économiques et technologiques.
Nous avons cherché à élaborer une compréhension globale de ces enjeux, à tirer les enseignements des actions déjà menées et des échecs, notamment parce que les enjeux socioculturels n'ont pas été pris en compte, à comprendre la mondialisation, le poids du mercantilisme qui prend de plus en plus le pas sur la coopération et l'emprise des États sur les grands fonds marins, à étudier la position de la France, ses points faibles, ses avantages, ses perspectives et enfin à définir une stratégie sur dix ans avec des priorités, un plan d'action et des projets.
Nous avons remis notre rapport au Premier ministre fin 2020 et il a été validé en janvier 2021. Il retient cinq priorités :
- poursuivre et amplifier une action, résolue et raisonnée dans la durée, d'acquisition des connaissances sur les écosystèmes des grands fonds, en lien avec les ressources minérales sous-marines ;
- amplifier les travaux sur les impacts environnementaux et partager les efforts de protection des fonds marins dans le cadre d'une stratégie de sauvegarde de ces écosystèmes et de poursuite d'une stratégie d'exploitation durable de leurs ressources ;
- valoriser les ressources des grands fonds marins en lien avec le potentiel industriel français et européen ;
- renforcer les partenariats avec les collectivités d'outre-mer, en particulier dans le Pacifique et engager une stratégie multipartenaires au niveau européen et au niveau mondial dans la zone indopacifique ;
- travailler à l'information des populations et des décideurs mais aussi à l'implication de toutes les parties prenantes dans les choix en matière d'exploration ou d'exploitation responsable des grands fonds marins.
L'objectif fonds marins de « France 2030 » consolide et élargit cette stratégie. Nous avons beaucoup travaillé avec Xavier Grison et nos correspondants de l'Ifremer, du SHOM et du groupe de travail, sur les points d'adhérence, sur les liens existants entre les projets de la stratégie nationale et « France 2030 ».