Intervention de Jean-Louis Levet

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 9 décembre 2021 : 1ère réunion
Étude sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale — Table ronde sur l'exploration et l'exploitation des fonds marins

Jean-Louis Levet, conseiller spécial pour la stratégie nationale des grands fonds marins, Secrétariat général de la mer (SGMer) :

Il s'agit bien d'une stratégie nationale visant à développer l'exploration et à se préparer à l'exploitation durable des grands fonds marins. Nous avons privilégié une démarche d'anticipation collective. De nombreux pays comme l'Allemagne, la Norvège, les États-Unis, le Japon, la Corée du Sud, l'Inde et la Chine ont de grandes ambitions dans l'exploration et probablement, à terme, dans l'exploitation de ces grands fonds marins.

La Chine dispose de cinq permis d'exploration dans les eaux internationales, dont l'un sur les amas sulfuriques qui arrive à échéance en 2026 et il est probable qu'elle demande à son terme un permis d'exploitation. Il y a quelques semaines, ce pays a réussi à envoyer un engin sous-marin autonome à plus de 6 000 mètres de profondeur tout en créant une liaison avec l'extérieur.

Notre objectif est de mettre en oeuvre dans le même temps l'ensemble des priorités et des huit projets de la stratégie nationale. Cela implique un programme de recherche important, holistique, sur l'ensemble des liens entre colonnes d'eau, écosystèmes, connaissances des écosystèmes et de leurs liens avec les ressources minérales, ce qui nous permettra d'avoir des axes de développement et de partenariat très forts avec nos collectivités d'outre-mer et l'Union européenne.

Je crois que cette question des fonds marins peut toucher notre jeunesse, tant en métropole que dans les collectivités d'outre-mer. De nouveaux métiers vont se développer. Nous voyons à quel point les sciences de la vie et les sciences de la terre jouent un rôle essentiel dans l'étude du fonctionnement des écosystèmes et combien les sciences humaines et les sciences sociales vont jouer un rôle important.

Madame la sénatrice, vous évoquiez la nécessité d'informer sur ce qui se passe dans les fonds marins et nous en avons pleinement conscience. C'est un univers extraordinaire. Chacun a lu 20 000 lieues sous les mers de Jules Verne. J'étais, il y a quelques jours, à la Cité de la mer à Cherbourg et nous apprenons énormément sur la source de médicaments que peuvent constituer les océans. Ce sont des éléments très importants en direction des jeunes, pour les collectivités d'outre-mer et pour le développement d'entreprises locales. Dans la cadre du déploiement de la stratégie nationale, en lien avec l'objectif fonds marins « France 2030 », nous avons rencontré de nombreuses entreprises des deux pôles de compétitivité mer en Bretagne et en Méditerranée mais aussi des entreprises en Nouvelle-Calédonie où dans d'autres territoires d'outre-mer. C'est un facteur de mobilisation sur lequel nous travaillons.

Je souhaitais que le groupe de travail tire les enseignements du passé, et notamment de l'opération menée à Wallis-et-Futuna qui avait été mise en avant par le Comité interministériel de la mer fin 2015. Elle a montré la capacité de la France à se mobiliser collectivement avec l'Ifremer, Eramet, Technip et Areva, même si elle s'est in fine révélée un échec. J'ai tenu à ce que nous l'analysions avec nos amis de l'IRD pour en comprendre les enjeux socioculturels.

Les premières explorations entre 2010 et 2012 ont fait l'objet d'une action collective dans le cadre d'une autorisation de prospection préalable financée par un partenariat public/privé. Elles ont révélé un fort potentiel de la zone pour la formation de minéralisations hydrothermales. Le ministère de l'écologie avait soutenu cette opération et les données bathymétriques indiquaient la présence d'un important domaine volcanique au sud et à l'est de l'île. C'est sur la base de ces découvertes que les partenaires privés ont déposé en 2013 une demande de permis d'exploration. Cette demande n'a pas abouti, à la fois pour des raisons juridiques, car la partie réglementaire du code minier devait être étendue, mais aussi en raison des difficultés d'acceptation par les autorités coutumières locales. Cet échec a entraîné la démobilisation de l'ensemble des acteurs.

Le rapport de mission de l'IRD est confidentiel mais j'ai pu en rédiger une synthèse publique. L'institut soulignait que Wallis-et-Futuna constituait « un exemple particulièrement clair des conséquences politiques d'une absence de concertation et de cadre participatif et des difficultés pour l'ensemble des acteurs concernés de restaurer les conditions d'un débat productif ».

La question de l'acceptabilité sociale et de l'implication des populations le plus en amont possible est fondamentale et fait partie de nos grandes priorités.

À l'échelle microéconomique pour une entreprise, l'exploration et l'exploitation des grands fonds marins est une équation à quatre inconnues : l'impact environnemental, la technique, la rentabilité économique et l'acceptabilité sociale.

Certaines de ces inconnues le sont de moins en moins. Des progrès ont été réalisés au niveau technique et des concepts ont été élaborés pour exploiter les fonds marins avec un impact environnemental minimal. Par ailleurs, la question de la rentabilité économique n'a pas le même poids dans tous les pays et il est possible d'imaginer que ce critère pèse moins pour la Chine. Certains États ont des stratégies d'exploration, et demain d'exploitation, des fonds marins.

Parmi les projets que nous avons mis en oeuvre, j'ai évoqué l'ambitieux programme de recherche et les chantiers d'actions relatifs à la mer. En Polynésie française, le gouvernement local a lancé depuis plusieurs années des travaux sur cette question. L'IRD a réalisé une expertise collégiale entre 2013 et 2016 sur l'ensemble des enjeux liés à l'exploration. Une PME dans le domaine de la recherche abyssale dispose d'un contrat avec le gouvernement polynésien depuis fin 2019 pour étudier les conditions d'exploration de la ZEE. Enfin, en Nouvelle-Calédonie, il existe une expertise bâtie à partir de l'expérience de l'exploitation des mines terrestres. Il y a donc de nombreux partenariats à construire avec nos collectivités d'outre-mer sur les différents axes de travail.

Sur l'Indopacifique, la France a signé des accords bilatéraux avec l'Inde, le Japon, la Corée du Sud ou l'Indonésie. Nous devons veiller à ce que l'océan et les grands fonds marins fassent partie des échanges avec ces partenaires

Il existe également un observatoire franco-japonais en Nouvelle-Calédonie pour la connaissance des océans.

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