Intervention de Jean-Louis Levet

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 9 décembre 2021 : 1ère réunion
Étude sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale — Table ronde sur l'exploration et l'exploitation des fonds marins

Jean-Louis Levet, conseiller spécial pour la stratégie nationale des grands fonds marins, Secrétariat général de la mer (SGMer) :

Sur la course aux fonds marins, nous observons depuis une vingtaine d'années une emprise croissante des États à travers les permis d'exploration. Ils sont aujourd'hui au nombre de 30, dont 5 pour la Chine. Nous rentrons dans un siècle d'inspiration de plus en plus mercantiliste, avec le retour en force des États qui sont simultanément aptes au commerce et à la puissance souveraine. La France et l'Union européenne se battent au sein de l'Autorité internationale des fonds marins pour une démarche multilatérale.

La stratégie industrielle et minière de la Chine est au service d'une montée en gamme permanente dans la plupart des filières techno-industrielles. La Chine dispose de cinq permis même si sa ZEE n'est que la 32ème du monde par son étendue, derrière celle de l'Espagne. C'est pourquoi il lui est indispensable d'accroître sa présence dans les eaux internationales. Elle doit par ailleurs partager toutes ses mers bordières avec ses voisins. Ces éléments permettent de comprendre pourquoi elle cherche à affirmer son contrôle sur plusieurs archipels en mer de Chine du sud. L'intérêt géostratégique et la sécurisation des approvisionnements sont les deux objectifs majeurs de ce pays.

Le groupe de travail a classé les États en fonction de leurs objectifs. L'Allemagne, la Corée du Sud, le Japon ou les États-Unis, qui disposent d'une industrie importante et qui n'ont pas laissé s'installer la désindustrialisation, contrairement à la France, ont un objectif d'approvisionnement en métaux.

Dans d'autres pays comme le Brésil, l'Inde, la Norvège ou certains États insulaires, l'exploitation des fonds marins sert un objectif économique.

Enfin, des pays comme le Danemark ou la Nouvelle-Zélande y voient un intérêt scientifique et d'acquisition des connaissances.

Il ne s'agit pas de courir après les autres pays mais de comprendre quelles sont leurs stratégies et de nous préparer à une éventuelle exploitation des fonds marins, en respectant nos valeurs éthiques et les enjeux environnementaux. C'est dans ce cadre que, parmi les 8 projets (programme de recherche, des chantiers d'actions en mer, la réalisation d'une cartographie des espaces à protéger et des espaces ouverts à une éventuelle exploitation durable, etc.) que la France met en oeuvre et qui ont été validés par le Premier ministre au cours du Comité interministériel de la mer en janvier 2021, il y a le projet de création d'un démonstrateur à l'échelle 25 % pour tester l'impact, le cadre et la faisabilité d'une exploitation durable des grands fonds marins.

La mise en place de ce pilote nous permettra de mesurer précisément, à chaque étape, l'impact environnemental et donc de nous donner les moyens d'arrêter ou non. C'est un projet que nous souhaitons développer avec plusieurs États européens et nous sommes en relation avec certains d'entre eux comme l'Allemagne et la Norvège, mais la Pologne et le Portugal seraient aussi intéressés. Nous avons organisé des webinaires en juin et en septembre et nous avons la possibilité de nous différencier de projets dans lesquels les enjeux environnementaux ou d'acceptabilité sociale sont beaucoup moins pris en compte.

L'Union européenne s'est engagée sur l'économie bleue, elle dispose depuis 2016 d'un véritable programme dans ce domaine et joue un rôle important dans le programme de la décennie 2021-2030 des sciences de l'océan lancé par les Nations Unies.

Enfin, deux études pilotées par l'IRD démarreront en janvier 2022 sur les collectivités d'outre-mer, l'une pluridisciplinaire pour mieux comprendre les enjeux éthiques, environnementaux, géostratégiques, techno-économiques et de gouvernance, l'autre sur la gouvernance participative avec l'examen des moratoires à l'échelle régionale et internationale et le développement d'une gouvernance participative sur des projets de découverte, d'exploration, voire de préparation à une éventuelle exploitation.

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