Commissaire général de la Marine de métier, j'ai exercé 35 ans dans la Marine nationale : chef du bureau du droit de la mer, puis adjoint du préfet maritime de la Méditerranée pour l'action de l'État en mer, je demeure engagé dans les questions maritimes en tant que délégué général de l'Institut français de la mer (IFM) et président de la section droit et économie de l'Académie de marine.
Il y a quelques mois en juillet 2021, nous avons publié une étude, parue dans le numéro 520 de la revue maritime que nous vous avons fait parvenir, intitulée : « 11 millions de km², pour quoi faire ? ». Cette étude faisait le constat d'une absence de stratégie maritime globale pour la France, au bénéfice de stratégies dispersées comme la stratégie nationale pour la mer et pour le littoral, ou encore la stratégie nationale de sûreté maritime. Il y a là une défaillance méthodologique qui rend difficile l'appréhension d'une stratégie globale, à laquelle nous avons tenté de remédier en créant une grille d'analyse valable pour l'ensemble de nos espaces maritimes, métropole comprise. Nos moyens étant limités, nous avons ciblé deux zones symboliques, la mer Méditerranée en métropole et la Nouvelle-Calédonie en outre-mer.
Nous sommes également partis de l'idée que l'unicité géographique de la mer et l'interpénétration des sujets doit conduire à une politique maritime intégrée prenant en compte à la fois les sujets économiques, environnementaux et stratégiques.
Plusieurs constats et propositions ont émergé de cette étude.
Premier constat, le caractère disparate de notre présence maritime et la diversité des politiques locales.
Deuxième constat, l'insuffisance des moyens de protection de nos espaces maritimes dans un contexte général de montée des tensions dans tous les espaces maritimes.
Troisième constat, notre pays a un atout : l'action de l'État en mer est aujourd'hui dotée d'une organisation administrative cohérente et efficace, en métropole autour des préfets maritimes et en outre-mer, autour des délégués du Gouvernement, assistés des commandants de zone maritime. Cette organisation est plutôt adaptée, et la future DGMer devrait contribuer à la pérenniser. Les questions maritimes étant des questions interministérielles, il est très important que le lien actuel qui existe entre le ministère de la mer, la Direction générale de la mer et le Premier ministre soit préservé, voire renforcé. Nous préconisons absolument de maintenir le rattachement du Secrétariat général de la mer au Premier ministre, ce qui n'était pas le cas dans la version précédente du ministère de la mer.
Par ailleurs, depuis quelques années, les collectivités territoriales et des citoyens entrent sur la scène de la gouvernance locale : lors du « Grenelle de la mer », on a évoqué une gouvernance à cinq. C'est une évolution positive, mais qui ne doit pas se faire au détriment de la présence unitaire de l'État en mer. En effet, l'absence de délimitation physique affichée en mer rendrait tout morcellement administratif particulièrement néfaste.
L'IFM est également à l'origine d'une proposition visant à considérer que l'océan est un bien commun de l'humanité. À ce titre, nous estimons que la conception de la souveraineté doit évoluer d'une souveraineté de propriétaire vers une souveraineté de responsabilité devant l'humanité. Et ce ne sont pas des vains mots : bon nombre de questions maritimes sont traitées devant des instances qui regroupent à la fois les États, les citoyens, notamment au sein des conférences des parties (COP).
Enfin, il faut tenir compte de la dimension européenne, qui a récemment fait l'objet d'un colloque à l'occasion du centenaire de l'Académie de marine.