Je commande depuis le 1er août 2021 les forces armées dans la zone sud de l'océan Indien, les FAZSOI. Celles-ci représentent une force interarmées significative, de l'ordre de 2 000 hommes et femmes, actifs et de réserve, civils et militaires. Complètes et bien articulées, elles agissent dans la durée avec leurs composantes navale, terrestre et aérienne, commandées grâce à un état-major interarmées et soutenu de manière intégrée. Ma zone de responsabilité permanente (ZRP) de commandant interarmées s'étend de la Tanzanie aux confins de l'Antarctique. Je protège des territoires nationaux : deux départements, Mayotte et La Réunion, nos terres australes et les espaces maritimes associés. S'y ajoutent 14 pays avec lesquels nous coopérons, ceux de la Commission de l'océan Indien (COI), et ceux d'Afrique australe, la Southern African Development Community (SADEC).
À la charnière entre l'Afrique et l'Indopacifique, nous sommes aux avant-postes de l'influence française dans la zone sud de l'océan Indien. Nous sommes entraînés à veiller et réagir. Nous nous préparons sans relâche à assumer un large spectre de missions sur le territoire national, dans nos eaux territoriales et à travers nos vastes ZEE. Nous assurons notre mission de protection tout en veillant à développer notre puissance de combat.
Au sein de notre ZRP, nous animons le partenariat militaire opérationnel sur des segments bien identifiés afin de monter collectivement en gamme avec nos partenaires, de consolider notre influence dans une zone dans laquelle nous sommes la seule force européenne complète, autonome et permanente. Nous nous gardons du risque d'éviction vis-à-vis de nos compétiteurs, et gagnons en masse et en interopérabilité pour être en mesure de faire face à des chocs plus durs.
Nous sommes au coeur de la vision stratégique telle qu'elle a été formulée par notre chef d'état-major des Armées. Nos missions se situent à la convergence des forces de présence et de souveraineté à l'égard de nos 1,2 million de compatriotes entre Mayotte et La Réunion, de nos 45 000 ressortissants sur l'ensemble de la zone qui nous est confiée, de nos intérêts et de nos partenaires. Ces derniers nous voient comme une force de proximité fiable et crédible. En assurant notre mission de présence, nous interagissons sur l'axe de la coopération militaire opérationnelle, dans un esprit de partenariat gagnant-gagnant, comme l'ont souligné récemment le ministre de la Défense malgache ou le délégué à la Défense des Comores.
En veillant à monter en gamme nos partenaires, nous montons nous-mêmes en gamme. C'est ce que j'ai dit à plusieurs dizaines d'officiers malgaches auprès desquels nous venions d'assurer une formation d'état-major opérationnel fin octobre. En faisant preuve de toute la considération que méritent nos partenaires, en nous rendant utiles et en restant présents, nous confortons notre propre souveraineté.
Quelle vision prospective pouvons-nous développer sur l'évolution des menaces et sur l'adaptation de nos moyens d'action ? Dans une zone de compétition stratégique croissante où nous sommes parfois contestés, et dans un contexte de pandémie persistante qu'il nous faut savoir intégrer pour mieux le surmonter, trois points d'attention peuvent avoir un impact grandissant sur nos intérêts, notre influence et notre sécurité. D'abord, la propagation de l'islam radical au Mozambique et la crainte induite dans les pays voisins, particulièrement aux Comores et en Tanzanie. Ensuite, la pression migratoire et son effet de saturation sociale, économique et sécuritaire sur l'île de Mayotte. Enfin, la convoitise que suscitent les ressources naturelles du canal du Mozambique et des Terres australes, avec une menace sur notre souveraineté et nos ZEE, mais aussi sur la biodiversité des îles Éparses. Nous devons donc concourir aux efforts de sécurisation régionale, à la construction d'une architecture durable de sécurité maritime et à la convergence des efforts face à l'islam radical.
Incontestablement, le partenariat militaire opérationnel nous permet d'animer ces efforts. En attestent la montée en gamme de la garde-côte comorienne et l'intensification de la lutte contre le narcotrafic avec les forces seychelloises, ou la diffusion de notre culture d'action de l'État en mer (AEM) en multipliant les interactions avec nos composantes navale et aérienne, en préparant les états-majors et en fédérant les énergies en vue d'objectifs d'entrainement et d'interopérabilité.
Les axes de la stratégie indopacifique française structurés autour du droit, du multilatéralisme et de la promotion de l'interconnectivité, de la diplomatie environnementale et de l'ambition d'apparaître comme une puissance stabilisatrice dans la région restent pleinement d'actualité. L'AEM apparaît comme un terrain de compétition et de confrontations de basse intensité sur les espaces maritimes soutenant l'ensemble de ces axes. L'action de nos moyens, ceux des FAZSOI dans le cadre AEM, leur crédibilité et leur efficacité sont des atouts considérables. Ils contribuent à l'amélioration de la sécurité maritime, démontrent la validité d'un modèle très séduisant pour des États disposant de peu de moyens, permettent l'emploi des moyens des forces armées sur un spectre très large de missions, dont certaines sont civiles. Ils contribuent à la perception de l'action de la France au niveau régional comme une action régulatrice, celle d'une puissance d'équilibre, soucieuse du droit, respectueuse des prérogatives des États voisins, et investie dans la défense de politiques d'intérêt général telles que la pêche durable, l'environnement ou la stabilité sécuritaire.
Je vous remercie et me tiens prêt à répondre à vos interrogations.