S'agissant de l'Australie, la rupture de confiance va bien au-delà du contrat des sous-marins. Nous avions établi un partenariat stratégique et un niveau d'échanges très élevé. Ce programme de sous-marins comportait des transferts de savoir-faire, des échanges d'informations confidentielles, mais pas uniquement. Notre dialogue politico-militaire était extrêmement nourri. Notre coopération militaire était très dense, basée sur une confiance qui n'existe plus. Quand un partenaire peut ainsi, sans consultation préalable, rompre un contrat encadré par un accord intergouvernemental, il est légitime de réagir si fortement.
Nous avons engagé un processus de consultation avec les États-Unis afin de restaurer un niveau normal de discussions. C'est plus compliqué avec le gouvernement australien, qui nie qu'un incident grave s'est produit. Nous n'avons pas la même perception des évènements. Il n'est donc pas simple de reconstruire une relation.
Aujourd'hui, nous attendons des Australiens qu'ils nous disent la manière dont ils envisagent la suite de nos relations. À titre personnel, je pense que la coopération en matière de défense et dans d'autres domaines extrêmement sensibles ne peut plus se dérouler comme avant. En revanche, ce que nous faisons avec l'Australie dans le Pacifique au profit des pays insulaires va se poursuivre.
La sortie de crise pourrait intervenir lorsque les prochaines élections françaises et australiennes auront eu lieu. Cette affaire laissera des traces, c'est normal. Ce partenaire nous a trompés.
Quinze jours avant l'annonce d'Aukus, un dialogue avait lieu entre nos ministres de la défense et des affaires étrangères respectifs. Les Australiens ne nous ont rien dit. Ils ont même accepté que nous inscrivions dans le communiqué commun suivant cette rencontre l'importance de la coopération en matière de sous-marins et le fait que le programme se portait bien. C'est très étrange. Pour cette raison, nous aurons besoin de temps, et surtout d'actes de la part du gouvernement australien, pour qu'il démontre sa volonté de continuer à travailler avec nous.
Nous nous intéressons évidemment de très près à l'influence chinoise, y compris dans nos territoires. La Chine est extrêmement visible dans certains pays insulaires. Nous suivons de très près ses activités en Nouvelle-Calédonie et en Polynésie française, tout comme à La Réunion. Nous travaillons là encore avec nos partenaires pour traiter ce défi, par la contrainte plus que par la confrontation. Notre attitude vis-à-vis de la Chine consiste à la reconnaître comme un compétiteur et un rival systémique, mais aussi comme un partenaire avec lequel nous devons continuer à nous engager. Nous en avons effectivement besoin pour traiter les sujets globaux que sont le changement climatique, la protection de la biodiversité et la recherche d'un cadre commun concernant la dette des pays les plus pauvres.
Nous devons trouver un équilibre entre la volonté de poursuivre un engagement là où c'est possible, la nécessité de nous défendre contre des ingérences et la compétition technologique, et l'importance de porter une parole dans l'Indopacifique, en proposant un modèle alternatif fondé sur le multilatéralisme et la règle de droit.