Intervention de Jean-Luc Vuillemin

Délégation sénatoriale aux outre-mer — Réunion du 27 janvier 2022 : 1ère réunion
Étude de la délégation sur la place des outre-mer dans la stratégie maritime nationale — Table ronde sur les câbles sous-marins

Jean-Luc Vuillemin, vice-président exécutif d'Orange Marine :

Merci de me donner l'occasion d'évoquer la problématique globale des câbles sous-marins dans le domaine des outre-mer français, et du rôle majeur qu'y joue Orange. Je rappelle que ce rôle est double, puisque qu'Orange est un opérateur qui finance la réalisation d'infrastructures, leur mise en service et leur exploitation, mais aussi un acteur industriel avec Orange Marine, opérateur maritime qui dispose de sa propre flotte au service des infrastructures d'Orange.

Je souhaite en préambule dissiper quelques idées préconçues. La problématique est complexe, mêlant aspects politiques, économiques et de souveraineté. Un câble sous-marin est une infrastructure, mais surtout un moyen de mise en relations d'utilisateurs d'un service numérique et de contenus, chacun localisé sur des territoires distincts. Pour qu'un câble sous-marin ait une efficacité opérationnelle et économique, il faut que ce besoin de connectivité existe. Je rappelle que 80 % du trafic généré par les internautes français métropolitains est à destination des États-Unis. Les données, applications, services, sont en effet localisés majoritairement en Amérique du Nord. Nous pouvons à cet égard regretter le manque d'ambition politique nationale concernant le stockage des données des internautes français. Ce constat s'applique également aux outre-mer, avec des chiffres identiques : 80 % du trafic des internautes guyanais est à destination des États-Unis, 20 % seulement à destination de la métropole. Vouloir renforcer la compétitivité économique de la Guyane en augmentant le nombre de câbles entre le territoire et la métropole est donc une idée simpliste. En revanche, il existe un besoin important de connectivité vers les États-Unis, qui doit être fortifié.

Camille Morel a mentionné la diversité des situations des territoires ultramarins. Nous pouvons néanmoins distinguer grossièrement les départements et les régions d'outre-mer (DROM) d'un côté, et les autres territoires de l'autre. Je rappelle l'engagement très fort d'Orange auprès des DROM d'assurer, en tant qu'opérateur local, la connectivité de ces territoires, et de maintenir pour chacun au minimum deux câbles actifs en permanence. C'est le cas en Martinique, en Guadeloupe, en Guyane, à La Réunion et à Mayotte. Ces investissements sont très importants, comme pour le câble Kanawa reliant la Martinique et la Guyane, entièrement financé par Orange à hauteur de près de 60 millions d'euros.

Il n'existe pas de modèle économique du câble sous-marin en tant que tel. Il ne peut se concevoir qu'en complément d'une activité d'opérateur de services sur un territoire. Orange intègre ainsi la problématique de la connectivité internationale, qui représente un coût additionnel, neutralisé pendant un certain temps par des subventions publiques. Je regrette que ce dernier mécanisme, particulièrement efficace, ait été abandonné ces dernières années.

S'agissant de la problématique de la souveraineté, il nous faut également nous méfier des idées préconçues. Alain Biston a rappelé que la France était un pays leader de l'industrie des câbles sous-marins. Nous possédons en effet les capacités nécessaires pour fabriquer nos câbles, pour les installer grâce aux flottes d'ASN et d'Orange Marine, et pour en assurer la maintenance. Nous bénéficions également d'une politique très forte d'attractivité du territoire national, grâce au travail remarquable mené par le SGDSN. Je pense néanmoins que des actions complémentaires peuvent être envisagées, notamment sur les procédures administratives. Ces dernières sont par ailleurs coûteuses, l'atterrissage d'un câble sous-marin sur le territoire national étant soumis à une redevance, quand d'autres pays le subventionnent.

La flotte constitue une autre problématique. L'âge moyen des navires câbliers dans le monde est de 34 ans. Chaque unité coûte entre 50 et 70 millions d'euros. Les contraintes opérationnelles pour ces navires sont de plus en plus complexes compte tenu des problématiques environnementales. Orange a lancé la construction d'un nouveau navire câblier conçu pour opérer en Méditerranée, mer fermée et très sensible aux pollutions. Ce bateau répond donc dans sa conception à des contraintes environnementales très fortes.

L'activité des câbles sous-marins nécessite une politique de soutien, avec des dispositifs d'incitation, de simplification administrative, d'attractivité du territoire, voire de financement sur des destinations où le modèle économique n'est pas viable. Il convient de ne pas oublier l'enjeu maritime avec les problématiques du renouvellement de la flotte et de l'attractivité du pavillon français. Je rappelle cette phrase un peu provocante : armer un navire sous pavillon français est, certes, un acte de patriotisme, mais non un acte en accord avec la réalité économique. Certains pavillons, y compris en Europe, sont de 30 à 40 % moins onéreux que le pavillon français.

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