Certains emploient le terme de « décolonisation numérique ». Le sujet est donc tout sauf anodin.
Tout comme dans le domaine spatial, l'enjeu est également industriel, comme le prouve la présence des acteurs de cette table ronde. La puissance économique nord-américaine permet aux GAFAM d'étouffer le marché. Nous ne pouvons cependant pas demeurer observateurs et durablement colonisés. Nous pouvons maintenir une collaboration, tout en travaillant sur un temps long : une solution à court terme n'est pas possible, puisque nous évoquons ici des cycles de 20 ans. Nous sommes capables de corriger la trajectoire sur ces temps longs, notamment à la faveur du Brexit. En effet, le Royaume-Uni, un acteur puissant, jouait un double jeu. L'Europe continentale doit reprendre en main son destin digital et développer ses data centers : les États-Unis possèdent 40 % de ces sites, contre 4 % pour l'Allemagne et 3,5 % pour la France.
L'autarcie numérique n'est pas recherchée, mais nous devons travailler pour corriger les disparités actuelles. Les GAFAM sont incontournables, mais si nous investissons de l'argent de nos impôts en partenariat avec les opérateurs, nous pouvons avoir comme objectif un niveau d'autonomie renforcé. Dans le cas contraire, nous allons devenir des inféodés du numérique. La bataille se joue à l'échelle de l'Europe, et la prise de conscience doit être collective. Nos territoires ultramarins constituent des terrains d'expérimentations pour atteindre cet objectif. L'écosystème régional peut être intéressé pour suivre une autre voie que celle imposée par les puissances nord-américaine ou chinoise. L'Europe doit travailler intelligemment avec ces dernières, en investissant dans des projets d'infrastructures, tout en visant une plus grande autonomie. Nous ne devons pas être naïfs, ni dépendants, ni isolés, en étant beaucoup plus déterministes pour l'avenir.