Intervention de Louis-Jean de Nicolay

Commission des affaires européennes — Réunion du 1er mars 2022 à 15h30
Culture — Europe de la culture et du patrimoine - rapport d'information proposition de résolution européenne et avis politique

Photo de Louis-Jean de NicolayLouis-Jean de Nicolay, rapporteur :

Cette liste est loin d'être exhaustive. Notre proposition vise à faire renaître l'approche intégrée du patrimoine et à donner toute leur place aux élus. En effet, la place de la culture au sein de la politique de cohésion s'est réduite depuis une quinzaine d'années. Nous affirmons le rôle des collectivités territoriales dans la politique patrimoniale européenne pour développer l'attractivité des territoires européens.

Dans la période post-pandémique où nous entrons, le patrimoine doit être développé comme levier d'attractivité. Le réseau territorial de l'association des Petites Cités de caractère, présidée par Françoise Gatel, nous paraît fournir un exemple inspirant pour une action européenne élargie et renouvelée, s'appuyant sur l'expérience des élus de terrain, autour de la valorisation du patrimoine de leurs communes.

La Commission européenne ne peut qu'être sensible - nous l'espérons - aux effets d'entraînement du patrimoine, culturel, naturel et paysager, en termes de croissance, de créations d'emplois, notamment dans le secteur du tourisme, mais aussi de développement durable et d'attractivité des territoires.

Les aspirations des Européens en matière de qualité du cadre de vie se sont accrues avec la pandémie qui a accentué un mouvement, observé auparavant, vers les villes petites et moyennes, ou les espaces ruraux. Pour certains chercheurs, c'est une véritable transition sociétale qui est en cours. Le patrimoine culturel, mais aussi naturel et paysager, est un facteur clé de cette évolution.

Cette nouvelle conception du patrimoine est en parfaite cohérence avec les priorités du Pacte vert de la Commission européenne. C'est pourquoi nous proposons de fédérer les élus territoriaux européens en faveur du patrimoine et de créer un réseau européen des cités et territoires de caractère.

Nous proposons aussi d'approfondir et d'étendre la dynamique du label du patrimoine européen. Plusieurs pistes s'ouvrent à nous : dans un premier temps, enrichir le contenu du label, l'approfondir et en étendre le champ. Ensuite, une liste du patrimoine européen pourrait être articulée avec la Liste du patrimoine mondial de l'Unesco et les itinéraires culturels du Conseil de l'Europe. Il ne s'agit pas de rajouter une touche supplémentaire dans un paysage déjà très pointilliste, mais au contraire, de tenter une harmonisation par le haut de ce paysage.

Nous proposons aussi de mobiliser de nouvelles sources de financement en faveur du patrimoine européen. Nous demandons d'étudier la création d'un Loto du patrimoine européen et de créer, peut-être, une Fondation européenne du patrimoine.

En effet, l'exemple français en la matière est un succès, il faut le souligner. La Commission européenne n'étant pas habilitée juridiquement à recevoir de tels fonds, la transposition de notre modèle aux pays volontaires, voire à l'ensemble des États membres, nécessiterait de passer par une Fondation européenne du patrimoine, qui pourrait être une fondation de droit national, ou, mieux, une fondation européenne, ce qui impliquerait de remettre sur le métier le projet de statut de fondation européenne, qui avait été retiré de l'agenda législatif en 2014 par la précédente Commission.

D'autres voies novatrices peuvent être étudiées. La tarification différenciée permettrait de générer des ressources propres liées directement à la fréquentation du monument ou du site. Il s'agirait d'appliquer un tarif d'entrée différent aux visiteurs selon qu'ils sont, ou non, ressortissants de l'Union européenne ou de pays associés au titre de l'élargissement ou du partenariat oriental. Ceci permettrait de faire participer les touristes extra-européens davantage que les contribuables européens à la protection et à l'entretien du patrimoine européen qu'ils visitent.

Une autre voie est ouverte par la protection du droit des marques. Les noms de lieux les plus emblématiques, où se trouvent les monuments et sites les plus renommés, sont parfois actuellement dénués de protection à ce titre, soit qu'ils aient cédé leurs droits, comme Vendôme, soit qu'ils aient été exposés aux prétentions de compagnies extra-européennes privées leur demandant de payer des droits sur leur propre nom, comme à Chambord. Il s'agit de conserver un droit de regard aux gestionnaires des lieux et sites sur leur marque.

Nous nous sommes également intéressés au grand chantier du « nouveau Bauhaus européen ». Lancé par la présidente de la Commission européenne, ce nouveau programme, qui invite à la création, apporte en fait, pour simplifier, une dimension culturelle au Pacte vert pour l'Europe. Conception, durabilité, accessibilité, et esthétisme sont les maîtres-mots de ce nouveau projet.

La commissaire européenne chargée de la politique de cohésion, Elisa Ferreira, a déclaré : « grâce à son approche transdisciplinaire et participative, le nouveau Bauhaus européen renforce le rôle des collectivités locales et régionales, des entreprises, des acteurs de l'innovation et des esprits créatifs qui coopèrent pour améliorer notre qualité de vie.»

Nous soulignons les effets de levier, souhaitables, de ce nouveau programme sur le regroupement des financements. Fondé sur des appels d'offres spécifiques, il peut constituer une chance pour faire valoir nos préoccupations quant à l'intégration du patrimoine et de l'architecture, y compris paysagère et de proximité. Ce peut être une belle occasion à saisir pour promouvoir un rôle plus actif des architectes, comme l'a bien souligné le Conseil des architectes de l'Europe dans une récente déclaration.

Ce nouveau programme coïncide avec l'année européenne de la jeunesse, autre levier prometteur pour valoriser le patrimoine européen. Dans ce cadre, il convient d'utiliser toutes les ressources possibles, notamment Europe Créative, pour inciter à la création de plateformes numériques locales et au développement d'applications mobiles pour mieux faire connaître les sites et inciter les jeunes à venir les visiter : le numérique, en matière de patrimoine, n'est pas tant une fin en soi qu'un moyen d'ouvrir plus largement l'accès au patrimoine.

Et, dans le cadre d'Erasmus+, nous proposons qu'un volet dédié au patrimoine soit mis en valeur cette année, avec un circuit des chantiers de jeunesse européens du patrimoine. Enfin, nous proposons d'utiliser les programmes et projets mis en oeuvre par la Commission européenne pour créer une Académie européenne du patrimoine et rendre attractifs les métiers et savoirs du patrimoine, en associant les écoles d'architecture. En complément, nous proposons à la Commission européenne d'encourager la création de contenus, sur tous supports.

Pour le rendre plus accessible à tous et forger un grand récit européen du patrimoine, fait d'une multitude d'histoires, il conviendrait d'inciter à inscrire le patrimoine européen au cahier des charges des médias de service public, grâce à l'Union européenne de radiodiffusion (UER).

Pour accroître la résilience du patrimoine face aux bouleversements climatiques et aux catastrophes, nous demandons enfin la création d'un Fonds de sauvegarde du patrimoine en péril. Ce fonds pourrait couvrir les phénomènes naturels prévisibles et inéluctables, comme l'érosion du trait de côte. C'est le sens de la proposition de rédaction que je vous propose d'adopter au point 75 du projet de résolution européenne que nous vous soumettons. Nous proposons aussi que ce fonds couvre le patrimoine menacé par la guerre - ce dont l'actualité en Ukraine illustre la nécessité.

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