Intervention de Stéphane Sautarel

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2022 à 9h00
Contrôle budgétaire – situation financière et perspectives de la sncf– communication

Photo de Stéphane SautarelStéphane Sautarel :

rapporteur spécial. – Après un point d’étape en septembre dernier, nous vous présentons aujourd’hui les conclusions définitives de notre mission de contrôle.

Pourquoi nous paraît-il si urgent de remettre sur les rails le modèle économique de la SNCF ? Les conséquences conjoncturelles de la crise occupent la majorité des discours sur les finances de la SNCF. Loin de nous l’idée d’en nier l’ampleur, mais la crise n’explique pas à elle seule les difficultés financières de la SNCF et plus particulièrement celles de son cœur ferroviaire.

Nous avons porté notre attention sur les déterminants structurels de la situation de la SNCF. Il nous est apparu que les réformes qui se sont succédé au cours des trois dernières décennies ne sont pas suffisantes pour assurer la viabilité économique du modèle ferroviaire, dans un contexte où il doit considérablement se développer pour que nous respections nos engagements climatiques.

Nous appelons ainsi à la fois à une remise à plat de la gouvernance et du modèle de financement du réseau, à un engagement stratégique réel, sincère et ambitieux de l’État en faveur du ferroviaire, mais aussi à des efforts de productivité importants de la SNCF. Ces trois conditions doivent être réunies pour que le modèle ferroviaire puisse se développer massivement dans des conditions économiques structurellement soutenables.

Depuis trois décennies, une série de réformes ont eu pour ambition de restaurer la soutenabilité financière de la SNCF et du modèle ferroviaire. Après sa création par la réforme de 1997, Réseau ferré de France (RFF) a vu sa dette doubler en un peu plus de quinze ans pour atteindre 40 milliards d’euros en 2014. Cette situation résultait largement des décisions de l’État visant à lui faire financer le développement massif des lignes à grande vitesse (LGV).

La loi du 4 août 2014 devait restaurer la soutenabilité économique du secteur. Unifié au sein de l’EPIC SNCF Réseau, le gestionnaire d’infrastructure revient alors dans le giron d’un groupe ferroviaire intégré. La mise en œuvre de cette réforme a pris beaucoup de retard et, en 2017, la dette de la SNCF approchait les 55 milliards d’euros.

La réforme de 2018 était donc indispensable. Elle a notamment réorganisé le groupe en sociétés anonymes et supprimé le statut de cheminot. En parallèle, l’État s’est engagé à reprendre 35 milliards d’euros de la dette de SNCF Réseau. En augmentant la contribution de SNCF Mobilités au fonds de concours, elle portait aussi l’ambition d’un système financièrement autoporteur.

Aujourd’hui, plusieurs des hypothèses sous-jacentes de la réforme sont remises en cause. Par ailleurs, il est devenu clair que, pour tenir nos engagements climatiques, il est nécessaire de développer massivement l’offre et la demande ferroviaires. À l’issue de nos travaux, et alors que les conséquences de long terme qu’aura la crise sur la mobilité ajoutent un paramètre nouveau, nous pensons que la réforme de 2018 ne sera pas suffisante pour assurer l’équilibre financier de la SNCF et du système ferroviaire.

Même en faisant abstraction des conséquences de la crise, la situation financière structurelle du groupe SNCF reste à ce jour déséquilibrée et l’atteinte de ses objectifs incertaine. Ce constat est tout particulièrement vrai pour le cœur ferroviaire du groupe. En effet, évolution majeure observée ces dernières années, le moteur du groupe est dorénavant extérieur au cœur de métier de la SNCF : Geodis et Keolis représentent 50 % de son chiffre d’affaires. Geodis a vu son activité et sa marge opérationnelle progresser d’un tiers depuis 2019. Autant dire que la relative embellie actuelle, ainsi que l’espoir du groupe d’atteindre ses objectifs de retour à l’équilibre, dépend très largement des performances exceptionnelles de son logisticien. La dynamique financière de ses activités périphériques, pourvoyeuses de croissance, de marge opérationnelle et de cash, masque les faiblesses structurelles de la SNCF.

Sans parler de la gestion des infrastructures, sur laquelle nous reviendrons, la compétitivité de la SNCF est très insuffisante. Entre 1996 et 2013, les gains de productivité réalisés par la SNCF avaient été de quatre à cinq fois moins importants que ceux de ses homologues allemand et suisse. En 2018, le déficit de compétitivité de la SNCF par rapport à ses homologues était estimé à 30 %. L’extinction du statut de cheminot comblera partiellement cet écart, mais ses effets seront progressifs et la SNCF doit impérativement actionner d’autres leviers de compétitivité dès maintenant. L’opérateur a conscience de cette faiblesse, due notamment aux rigidités de son organisation du travail. C’est pour cette raison qu’il a fait le choix de créer des filières ad hoc pour répondre aux appels d’offres TER lancés par les régions. Pour l’activité TER, le constat est sans appel : les coûts de roulage de la SNCF sont supérieurs de près de 60 % à ce qu’ils sont en Allemagne, par exemple. Alors que le processus d’ouverture à la concurrence des TER est en marche, cette réalité fait peser une ombre sur les perspectives financières de SNCF Voyageurs.

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