Intervention de Jean-François Husson

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2022 à 9h00
Contrôle budgétaire – situation financière et perspectives de la sncf– communication

Photo de Jean-François HussonJean-François Husson :

rapporteur général. – La SNCF au sens large – desserte ferroviaire, offre ferroviaire, fret ferroviaire – est un puits sans fond : on y investit des milliards depuis des années, sans observer d’amélioration notable.

La ligne TGV Est est la première à avoir été financée par les collectivités territoriales...

M. Gérard Longuet. – À hauteur de 30 % !

rapporteur général. – C’était déjà un premier coup de canif.

Les rapporteurs ont évoqué l’offre Ouigo : celle-ci a été supprimée au mois de décembre pour les destinations situées dans la région Grand Est. Force est de constater que notre modèle est dans l’impasse. Comment en sortir ?

En termes d’aménagement du territoire, si la desserte ferroviaire n’est pas améliorée, la confiance des Français ne sera pas rétablie, surtout pour ceux qui sont éloignés des lignes. Par ailleurs, l’offre sera loin d’être compétitive par rapport à celle de l’automobile. Or notre économie doit être de plus en plus décarbonée : il faudra bien être au rendez-vous des objectifs affichés. Le nouveau rapport du GIEC vient de nous alerter à nouveau sur la gravité de la situation. Quelles sont, selon vous, les perspectives dans ce domaine ?

M. Roger Karoutchi. – Depuis quinze ou vingt ans, j’entends parler du caractère insoutenable du mode de financement de la SNCF. Régulièrement, on nous annonce des réformes qui s’avèrent impossibles à mettre en œuvre, parce que la SNCF est un État dans l’État. Ses présidents successifs estiment que leur mission première est d’assurer la régularité du transport, c’est-à-dire la paix sociale. Toute réforme interne est inapplicable, parce qu’elle provoquera une grève dure et que l’autorité de tutelle demandera qu’on y mette fin au plus vite.

Ensuite, la SNCF refuse l’ouverture à la concurrence, bien que celle-ci ait été votée par le Parlement, puis décalée, reportée... L’ouverture à la concurrence est très faible chez nous, nous y sommes très mal préparés. Si la Commission européenne imposait une ouverture forcée, la situation serait dramatique.

Depuis au moins vingt ans, la SNCF se comporte très mal. J’ai siégé au conseil d’administration du Syndicat des transports d’Île-de-France (STIF), devenu Île-de-France Mobilités (IDFM) : la SNCF Île-de-France nous expliquait qu’elle ne nous communiquerait jamais ses comptes et que les moyens nécessaires à l’amortissement du réseau et du matériel d’Île-de-France, où la clientèle est captive, étaient transférés au TGV.

La solution ne serait-elle pas la nomination d’un ministre des transports suicidaire, qui accepterait de faire la révolution à la SNCF en sachant que sa carrière politique est terminée ?

M. Bernard Delcros. – Le constat dressé par nos rapporteurs est inquiétant, mais ne me surprend pas.

Monsieur Sautarel, vous avez estimé l’effort d’investissement nécessaire à 1 milliard d’euros par an : pouvez-vous préciser au service de quel objectif ? Plus globalement, combien devrions-nous investir pour tout remettre en ordre de marche, et combien de temps faudrait-il pour y parvenir ?

Dans le Massif central, nous sommes bien placés pour savoir que les petites lignes n’ont pas été suffisamment entretenues. Résultat : le service n’est plus du tout attractif. Pensez-vous possible de remettre à niveau ce réseau, et à quel coût ? Ce serait un moyen d’offrir une solution de mobilité attractive aux habitants des territoires peu denses.

M. Sébastien Meurant. – Nos rapporteurs ont raison d’appeler à une révolution : oui, c’est une révolution dont nous avons besoin, maintenant ! Si la SNCF est un État dans l’État, comme l’a dit Roger Karoutchi, il nous faut un Richelieu…

Le désastre financier n’a d’égal que le désastre du service rendu – et voilà des années que cela dure. Il est temps d’agir !

Quand l’État demande à la SNCF de commander des TGV pour rouler sur des lignes classiques, maintient pendant seize ans le même président pour assurer la paix sociale ou décide la construction d’une liaison Bordeaux-Toulouse qui ne sera pas rentable au détriment de la remise à niveau d’autres infrastructures, il y a de quoi s’interroger.

De même quand on pousse à la concurrence au risque de condamner à la mort les petites lignes, non rentables. En Île-de-France aussi, des petites lignes ferment, entraînant des problèmes de mobilité.

Enfin, l’absence de transparence dénoncée par M. Karoutchi est terrible.

Les pouvoirs publics doivent agir de manière déterminée, car les enjeux sont colossaux !

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