Intervention de Pierre Moscovici

Commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation — Réunion du 9 mars 2022 à 9h00
Élaboration composition pilotage et mise en œuvre des crédits du plan de relance – Audition de M. Pierre Moscovici premier président de la cour des comptes pour suite à donner à l'enquête de la cour des comptes

Pierre Moscovici, Premier président de la Cour des comptes :

– Notre rapport répond, pour l’essentiel, à vos réponses et remarques. Je le crois solide et vous engage à le lire.

Reste qu’il s’agit d’un bilan d’étape. En outre, beaucoup de réponses ne nous appartiennent pas ; c’est dans le dialogue avec l’exécutif qu’il faut les trouver.

La Cour des comptes ne se désintéresse pas du sujet : elle y reviendra, notamment dans les notes d’exécution budgétaire, mais aussi, sans doute, pour ce qui est de la territorialisation, à travers les travaux de la formation spéciale qui traite des finances locales.

Je répondrai d’abord aux observations faites par M. Husson, en miroir des nôtres ; il a ses propres jugements et ses propres expressions, mais sans aucun doute nous avons des points de convergence.

Oui, il faudra évaluer si le plan de relance a atteint sa cible. Nous contribuons à ce travail par ce rapport et nous continuerons de le faire. Le comité d’évaluation a aussi son rôle à jouer : sa première étude, publiée en octobre dernier, devrait être complétée.

Monsieur le président, vous trouverez à la page 19 de notre rapport des comparaisons européennes. Notre plan est comparable à ceux de nos principaux partenaires, hormis celui de l’Italie, plus important, mais qui bénéficie de financements européens sans comparaison aucune. Notre vitesse de décaissement est plus élevée, ce qui explique que l’objectif de relance a été atteint rapidement.

Des évaluations complémentaires sont attendues cette année. Le comité les présente comme complexes, notamment parce qu’il y a des interactions entre mesures et qu’il faut faire la part de l’incidence d’autres politiques publiques. Il faut veiller à ce que ces travaux se poursuivent.

La France doit recevoir 39,4 milliards d’euros de la Facilité européenne pour la reprise et la résilience. Je le répète : ces versements sont conditionnés à l’atteinte de 175 cibles et jalons de performance, ce qui rend nécessaire un dispositif d’audit et de contrôle interne. Nous recommandons la mise en place de moyens propres à assurer le respect des exigences relatives au contrôle interne et à l’audit des fonds européens, sans quoi nous ne bénéficierons pas de l’intégralité des financements européens.

Plusieurs mesures rencontrent un grand succès ou ont fait naître des attentes non satisfaites. Certaines ont déjà été prolongées ; c’est d’ailleurs parfois nécessaire à leur efficacité. D’autres ne peuvent pas être interrompues brutalement, comme le renforcement des effectifs pour le service civique.

Mais, globalement, nous appelons à la vigilance sur les pérennisations. Un plan de relance est par nature temporaire, et les finances publiques doivent retrouver une trajectoire compatible avec la soutenabilité de la dette, même si d’autres initiatives restent sans doute à prendre. À cet égard, le ministre des finances a dit ce matin qu’un nouveau plan de relance massif n’était pas justifié et risquait d’alimenter les risques de stagflation : je partage cette analyse. Certaines dépenses peuvent être assumées aussi au niveau européen : je pense au nouveau fonds de résilience et au fonds pour la défense – il en sera question demain au Conseil européen de Versailles.

S’il apparaît souhaitable de prolonger certaines mesures, il faut le faire dans le respect de la trajectoire de dépense qui sera définie dans la prochaine programmation des finances publiques.

Des mesures bénéficient directement aux collectivités territoriales, pour plus de 10 milliards d’euros : 4,2 milliards d’euros de compensations de pertes de recettes, 2,5 milliards d’euros de soutien à l’investissement public local et 3,7 milliards d’euros de mesures sectorielles. Je comprends que vous souhaitiez aller plus loin.

Madame Taillé-Polian, notre rapport ne comprend pas d’analyse particulière sur les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Un autre rapport, de la cinquième chambre, porte sur cette question. Il s’agit, en effet, d’une dimension qui peut être intégrée au bilan territorialisé que nous appelons de nos vœux. Mais c’est au Gouvernement de le faire.

Plusieurs remarques vont dans le même sens, dont celles du sénateur Féraud.

Les 4 milliards d’euros alloués à la SNCF étaient déjà prévus dans la trajectoire pour la modernisation des équipements de SNCF Réseau. Nous n’avons pas examiné si ce montant est suffisant.

En effet, monsieur le président, ce plan est hors LOLF. La mission « Plan de relance », qui regroupe des éléments divers, constitue une entorse au principe de spécialité budgétaire. Il faudra rentrer dans les clous du point de vue de l’organisation des finances publiques. Je ne peux pas plaider pour une meilleure gouvernance et ne pas souligner ce point.

Sur la répartition géographique des fonds, je n’ai pas suffisamment d’éléments pour vous répondre. Le bilan territorial que nous souhaitons doit être réalisé.

On ne peut pas dire que le plan de relance n’a pas eu d’effets. Ce qui est exact, c’est qu’il est difficile de distinguer précisément ses effets dans le rétablissement de la situation économique, réalisé avant le déploiement du plan. D’autres facteurs y ont contribué, à commencer par les mesures d’urgence. Mais ce rétablissement doit aussi à l’amélioration de la situation économique mondiale.

Reste qu’il y a eu des effets réels du plan. C’est à travers une analyse de politiques publiques qu’on pourra le mieux les mesurer.

Les travaux d’évaluation doivent donc être poursuivis, sous diverses modalités. La Cour des comptes contribuera à certaines d’entre elles. Ce rapport réalisé à votre demande fait œuvre utile, comme bilan d’étape.

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