Intervention de Xavier Niel

Commission d'enquête Concentration dans les médias — Réunion du 18 février 2022 à 9h30
Audition de M. Xavier Niel fondateur et actionnaire du groupe iliad

Xavier Niel, fondateur et actionnaire du groupe Iliad :

Non, je ne cherche pas à minimiser. En disant cela, je fais une sorte de provocation dont je suis parfaitement conscient. Je dis juste que le pluralisme, c'est d'avoir des médias capables de s'adresser à tous. Nous avons besoin de médias qui s'adressent à tous. Nous avons aussi besoin de médias d'information. Nous avons besoin de tout cela pour avoir une démocratie qui fonctionne. Le pluralisme, c'est la capacité à avoir, dans les médias, un panorama représentant ce que nous sommes, avec nos opinions, nos différences. Le risque est la concentration d'une opinion dominante (« mainstream ») à un moment donné, qu'un média représente 50 % à 60 % de l'audience en France et qu'une multitude de petits médias ne représentent que 0,1 % de l'audience.

In fine, ce qui me met incroyablement mal à l'aise, ce sont toutes les concentrations qui vont donner à un groupe une audience incroyable. J'ai cité les chiffres. La puissance d'un certain nombre de médias ne peut être comparée à celle du Monde, de CNews ou d'autres médias, au-delà du non-respect potentiel de la convention (sujet qui relève de l'Arcom). La fréquence peut être retirée à un média si celui-ci ne respecte pas ses obligations. Il existe une petite spécificité en France : ces fréquences de télévision sont gratuites. Dans les télécoms, nous les payons très cher, au travers d'enchères. Peut-être faudrait-il aussi faire des enchères pour les chaînes de télévision. Ce ne serait pas complètement idiot. Le budget de l'État n'en souffrirait pas. C'est la part de marché de chacun de ces médias qui est importante pour le pluralisme, non leur nombre, pendant le temps durant lequel ils délivrent de l'information.

En matière d'aides à la presse, je crois qu'il demeure quelques fantasmes. Je crois que Le Monde a touché 2 millions d'euros directement d'aides à la presse, sur un résultat de 20 millions et quelque. Les médias reçoivent souvent des aides pour les redistribuer à France Messageries et à d'autres acteurs. Je suis content que Le Monde bénéficie de ces aides. Il y a un certain nombre de sujets qu'il faut prendre à bras-le-corps, par exemple France Messageries et le fait d'avoir plusieurs distributeurs de la presse papier, dont la diffusion, en volume, va continuer à diminuer. Il y a un certain nombre de sujets à traiter mais la plupart des aides perçues sont destinées à être reversées à d'autres acteurs.

À un moment donné, le groupe France Antilles a été liquidé. Toute la presse française a dit « nous allons retrouver des repreneurs ». Un jour, je lis dans le journal que ce titre est liquidé. Il s'agit du seul titre de presse locale existant dans les Antilles. Je me suis dit qu'il ne pouvait pas disparaître ainsi. Nous parvenons à trouver une procédure dérogatoire, au tribunal, pour sortir de la liquidation. Nous demandons aux salariés qui devaient être licenciés de revenir pour relancer le groupe. Nous recréons cette aventure incroyable. Au passage, nous relançons le titre en papier en Martinique et en Guadeloupe. Ce n'est pas encore le cas en Guyane (où il n'existe pour l'instant qu'en version digitale) mais nous y travaillons. Dans ces territoires où la notion de fake news est beaucoup plus forte que ce que nous connaissons ici, nous avons besoin de ces journaux et de ces médias. Il est de notre responsabilité d'avoir des médias qui diffusent une information vérifiée et contrôlée par des journalistes.

Nice Matin et La Provence avaient été financés par un groupe, AD Développement, qui appartenait au gouvernement belge et avait plus ou moins sauvé ces deux groupes, ainsi que Corse Matin. Ces groupes se trouvaient en difficulté. Dans ces entités se trouvaient deux participations minoritaires, dans Nice Matin et dans La Provence. Dans les deux cas, un certain nombre de pactes avaient été passés, permettant à terme de prendre le contrôle de ces médias. Cela s'est fait pour Nice Matin et cela va se faire pour La Provence.

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